Le 22 mars dernier, les Andalous ont voté pour les élections régionales. Cette région, avec 6,3 millions d’inscrits sur les listes électorales, représente le quart des inscrits dans le pays. On peut donc se demander si les résultats de ces élections, dans lesquelles quatre partis ont tiré leur épingle du jeu, peuvent donner un avant-goût des élections générales qui auront lieu en novembre et confirmer la crise du bipartisme en Espagne.
L’Andalousie a été la première à organiser l’élection de ses députés régionaux et sera bientôt suivie par la plupart des autres régions autonomes en mai, puis le Parlement catalan en septembre et enfin les élections générales nationales en novembre. Le PSOE, parti socialiste, a réussi à s’imposer assez difficilement ce 22 mars avec 35,5% des voix, soit 47 sièges sur les 109 que compte le Parlement andalou. Ce sont des résultats qui sont en baisse (-4 points par rapport aux élections de 2012) mais qui montrent que le PSOE, mené par Susana Diaz, résiste. Cela n’est pas très étonnant, étant donné que le PSOE est le principal parti en Andalousie depuis son autonomie en 1981. Ce parti dispose donc d’un ancrage et d’une influence importante dans cette région. La figure de leader dont jouit Susana Diaz au niveau régional y est sans doute aussi pour beaucoup. Malgré la montée de nouvelles forces contestataires, on voit que le PSOE est arrivé à garder sa place d’alternative traditionnelle au Parti Populaire (PP) de Mariano Rajoy.
Ce dernier, en revanche, a chuté considérablement dans la région. Avec plus de 14 points en moins dans les résultats (26,7% en 2015) par rapport à 2012, le parti a perdu la place de première force politique du Parlement andalou qu’il avait gagné pour la première fois (le PSOE avait quand même gardé le pouvoir grâce à une coalition avec le parti IU). Cet écroulement est clairement une réaction contre le gouvernement de Mariano Rajoy, les nombreuses affaires de corruption et les politiques budgétaires d’austérité mises en place. L’Andalousie est en effet une des régions les plus touchées par ces politiques, avec 34% de taux de chômage (nettement supérieur aux 23% au niveau national). Le discours sur la relance de l’Espagne dont se réjouit Mariano Rajoy n’a visiblement pas touché les électeurs de la région.
Deux partis ont bénéficié de ce « ras-le-bol » général en Andalousie : Podemos et Ciudadanos, même si leurs résultats, honorables, sont cependant inférieurs à ce que les sondages annonçaient. Podemos, le parti « anti-système » de gauche, est arrivé en troisième position avec 14,8% des voix ce 22 mars. C’est une montée en force d’autant plus remarquable pour le parti, qui n’existait même pas encore en 2012, dans une région attachée au PSOE. Podemos a réussi à attirer des électeurs de l’IU (coalition entre le Parti communiste et les Verts), qui a subi une baisse de 4 points. Cependant on remarque qu’une véritable force politique se dessine à gauche de l’échiquier politique : les partis IU et Podemos comptabilisent à eux deux 21,7% des voix soit presque le double du score de 2012.
Ciudadanos, le parti de centre, a lui aussi effectué une montée dans les scores en se hissant en quatrième place avec 9,3% des votes (soit 9 sièges), dans une région où il ne récoltait jusque-là quasiment aucun vote. Là encore il y a une petite déception car certains sondages le plaçaient presque à égalité avec le PP au niveau national. Grâce aux élections andalouses, on a pu relativiser le poids de cette nouvelle force politique. Le principal problème pour ce parti est qu’il est assez difficile de le situer dans l’échiquier politique. Il est souvent considéré comme une alternative au PP moins radicale que Podemos. Cependant ce parti, qui condamne également fermement la corruption et les politiques budgétaires du gouvernement espagnol, n’est pas clair sur ses positions quant à une éventuelle alliance avec un autre parti. C’est là un des enjeux des élections de ce 22 mars.
Le PSOE ne détenant pas la majorité absolue va devoir former une coalition. L’association IU-PSOE qui avait permis au parti socialiste de gouverner en 2012 n’est plus aussi sûre d’être reconduite, et dans tous les cas il est nécessaire d’avoir un autre allié en plus pour former une majorité. Podemos aurait pu être un candidat mais cela est quasi improbable étant donné la position anti-système du parti. Ciudadanos apparait aussi comme un allié éventuel, mais sa réponse est en revanche moins sûre que celle de Podemos. Malgré sa position également anti-système, s’allier au PSOE semble être plus une question de survie pour le parti. En effet, s’il refuse la coalition, Ciudadanos pourra être considéré comme sans avenir et risque de perdre des électeurs, qui préféreront se rabattre sur un parti qui a plus de chance de gouverner. Former cette coalition nécessaire au gouvernement de la région semble donc être un véritable challenge.
Que montrent ces élections andalouses pour l’Espagne en général ?
A 8 mois du renouvellement du Congrès national, il est assez dur de tirer de grandes conclusions pour le pays. Impossible de prévoir précisément les résultats pour les élections à venir car l’électorat espagnol semble très fluctuant, avec beaucoup de changements d’intentions de votes d’un sondage à un autre. En revanche ce qui semble se confirmer est une crise du bipartisme espagnol avec l’apparition de nouveaux partis qui ont de plus en plus de poids et qui se forment en réaction contre les deux partis traditionnels. Mais si Podemos et de Ciudadanos gagnent de l’importance, il est encore difficile de savoir l’ampleur de cette montée tant au niveau des régions qu’au niveau national. Les deux partis traditionnels, PP et PSOE, sont de plus en plus contestés, à cause des scandales de corruption et le bilan social et économique déplorable. Si la tendance continue, il serait fort possible que les élections à venir marquent la fin du gouvernement mono-partisan et la naissance de coalitions nécessaires pour gouverner le pays avec les difficultés que cela présente, comme on peut déjà le voir en Andalousie. Cela menacerait la gouvernabilité du pays, déjà affaibli par les volontés séparatistes de certaines régions comme la Catalogne. Il faudra donc sans doute attendre les élections dans les autres régions en mai pour en avoir une idée un peu plus précise, car l’exemple andalou n’est probablement pas représentatif de toute l’Espagne, étant donné l’ancrage historique du PSOE.
Par Waffa Bouaka
Sources
- L’Andalousie, indétrônable fief socialiste http://www.lemonde.fr/europe/article/2015/03/23/l-andalousie-indetronable-fief-socialiste_4598993_3214.html
- Espagne : Podemos réussit sa percée en Andalousie, Mariano Rajoy sanctionné http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/espagne-podemos-reussit-sa-percee-en-andalousie-462935.html
- Espagne : quelles leçons tirer des élections andalouses ? http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/espagne-quelles-lecons-tirer-des-elections-andalouses-463062.html
- En Andalousie, Podemos devient la troisième force politique http://www.lefigaro.fr/international/2015/03/20/01003-20150320ARTFIG00340-l-andalousie-nouveau-laboratoire-electoral-espagnol.php
Le jeu politique espagnol se complexifie autour de quatre partis http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/le-jeu-politique-espagnol-se-complexifie-autour-de-quatre-partis-459542.html