Le débat sur l’immigration au Royaume Uni menace les fondements de l’UE

Par Víctor Ruiz

Le Conseil européen examinera lors des réunions d’aujourd’hui (jeudi 18 février) et de demain un ensemble de décisions préparées par son président, Donald Tusk, avec l’aide de la Commission, pour chercher un nouvel accord avec le Royaume-Uni.

Tout cet enjeu a commencé en 2013, quand David Cameron a promis d’organiser un référendum sur le statut du pays dans l’UE. Cameron a cédé aux pressions du secteur le plus europhobe de son parti et a ainsi rouvert la boîte de Pandore. Il a exposé ses priorités et expliqué ce qu’il n’aimait pas à Bruxelles, sans parler d’immigration. Trois ans plus tard, l’immigration est devenue une question centrale dans le débat au Royaume-Uni. Et la raison de ce rôle crucial se trouve dans la politique intérieure. Le 25 mai 2014 un tremblement de terre a secoué la vie politique britannique. L’UKIP gagne la majorité des voix aux élections au Parlement européen, avec deux arguments simples: non à l’Europe et oui au contrôle de l’immigration. Deux mois plus tard, David Cameron commence à parler de l’effet appel que le système britannique de prestations sociales projette sur l’immigration. Lors des élections suivantes, la progression de l’UKIP semble inéluctable.

La question de l’immigration s’est peu à peu fait une place dans le débat public. Et la restriction d’aides aux travailleurs d’autres États membres a finalement été écrite dans le programme électoral avec lequel les conservateurs ont remporté la majorité absolue lors du scrutin du 7 mai.

Ainsi, un conflit politique interne au Royaume-Uni a fait un bond au centre de l’agenda européen, sous la forme d’un défi sans précédent pour les piliers de l’Union.

Les brouillons présentés par Tusk, encore à développer dans certains aspects, portent sur les quatre domaines où Cameron a exigé des réformes substantielles. Le moins controversé est celui qui concerne la compétitivité, où on envisage des mesures pour simplifier la lourde législation communautaire et faciliter ainsi l’activité économique, ce qui se fait depuis quelque temps et qui est plus ou moins accepté par tous les États membres. Les problèmes commencent quand il s’agit de la gouvernance économique de la zone euro. À Londres on veut être en mesure d’influer sur les décisions prises dans la zone euro qui puissent le toucher, et on n’a certainement pas l’intention de laisser ces décisions coûter une seule livre. Bien que le brouillon ne lui reconnaisse pas de droit de veto, il accepte certaines restrictions à la liberté de décision de la zone euro, partant du principe du “respect mutuel”, y compris l’exemption de toute charge financière pour les États membres qui ne participent pas.

Le contenu du brouillon est encore plus grave dans l’intitulé souveraineté. Il commence par porter un coup terrible à l’essence même de l’Union, contenue à l’art. 1 du Traité de l’UE, qui proclame “un processus créant une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe”. Le projet de Tusk déclare effrontément que cette formulation ne constitue pas un objectif d’intégration politique et que cela ne signifie pas que l’Union aura plus de pouvoirs à l’avenir, ni que les pouvoirs de l’Union ne peuvent pas se réduire à l’heure actuelle. Il établit également un mécanisme par lequel les parlements nationaux représentant 55% des voix des États membres pourraient paralyser une initiative législative communautaire dans des domaines de leur compétence, en invoquant le principe de subsidiarité. Ceci est une nette régression dans le processus d’intégration européenne qui n’est en aucune façon justifiée.

Enfin, en ce qui concerne la question la plus controversée de toutes (les restrictions sur les prestations sociales aux citoyens des autres États membres résidant au Royaume-Uni), la proposition du brouillon attaque sérieusement le principe de la liberté de circulation des personnes dans l’Union sans qu’elles souffrent de discrimination fondée sur la nationalité, puisqu’elle stipule que ce droit peut être soumis à des limitations ou être restreint pour des raisons d’intérêt public. Plus précisément, le Conseil permettra à un État membre de limiter l’entrée de citoyens de l’UE en cas d’urgence si l’arrivée de travailleurs provenant d’autres États membres a une ampleur exceptionnelle durant une longue période. Mais ce n’est pas fini. Dans une autre décision à prendre en même temps, il est convenu que la situation de la Grande-Bretagne répond effectivement à ce critère et le gouvernement peut donc lancer le mécanisme de restriction de droits. Ces exigences sont en plus lancées par un pays avec un 5% de chômage. Une vraie plaisanterie qui compromet l’une des quatre libertés sur lesquelles est fondée l’Union.

Les restrictions visent une question qui touche directement les droits sociaux des citoyens européens, en particulier les plus défavorisés. Comme toujours, à Londres on essaie de choisir les meilleurs plats du menu communautaire et de rejeter ce qui ne plait pas, même si tout est déjà souscrit, comme si les autres États n’avaient pas de contraintes parmi tous les engagements qu’ils respectent pour appartenir à l’Union. Est-ce que Cameron accepterait des restrictions à la liberté de mouvements de capitaux? Parce que cette liberté a produit pas mal de pertes pendant la crise dans certains États membres périphériques.

Le Conseil européen va se sentir forcé à approuver un ensemble de décisions qui représentent un pas en arrière dans le processus de construction européenne et qui violent les principes sur lesquels l’Union elle-même est fondée, juste parce qu’un État membre le souhaite. La question se pose alors: en échange de quoi? De rien, tout simplement rester dans l’Union. Pourquoi veut-on faire rester un État qui n’a pas accepté la libre circulation des personnes, ni l’euro, ni Schengen ou l’acquis communautaire en matière de liberté, de sécurité et de justice ou, ce qui qui est plus important, l’évolution vers une union politique, impérative et inévitable si l’union économique se complète, et qui fera tout son possible pour empêcher les autres de l’atteindre?

Si le Royaume Uni quittait l’UE, on perdrait un état important, le deuxième en population et en PIB et le premier en capacités militaires. Sa présence est incontestablement positive, mais pas à tout prix. Le Royaume-Uni, quant à lui, perdrait beaucoup plus en sortant de l’Union: cela aurait un impact imprévisible pour son commerce; la reprise économique serait paralysée, il y aurait une perte d’influence internationale, et ça pourrait même aboutir à une division interne avec l’hypothétique séparation de l’Ecosse.

L’UE ne peut pas céder constamment au chantage et encore moins lorsqu’il s’agit des principes fondamentaux de l’union. Il est peut-être temps de dire que la porte est ouverte.

 

http://www.theguardian.com/world/2016/feb/18/david-cameron-european-union-summit-brussels

http://www.theguardian.com/politics/2016/feb/17/prisoner-party-david-cameron-battle-tory-right

http://www.lemonde.fr/europe/article/2016/02/01/brexit-journee-decisive-de-negociations-entre-m-cameron-et-les-europeens_4857157_3214.html

http://www.lemonde.fr/europe/article/2016/02/11/brexit-discussions-tendues-a-vingt-huit-sur-le-pre-accord-entre-bruxelles-et-londres_4863925_3214.html

 

Rejet de la déchéance de la déchéance de nationalité en Suède : une petite victoire des partis conventionnels face à la montée spectaculaire de l’extrême-droite

 

Alors que la Suède prend de plein fouet la crise des migrants, ses députés ont rejeté en masse le projet porté par le parti d’extrême-droite Démocrates de Suède (SD). Ceux-ci avaient demandé un amendement à un projet de loi antiterroriste, proposant « la possibilité de retirer la nationalité suédoise à une personne condamnée pour un délit en lien avec le terrorisme […] même si cela la rend apatride » . La motion, présentée par deux députés SD, a été rejetée par 207 députés sur les 252 présents (27 étaient absents) : seuls les 45 députés SD ont voté en faveur de la déchéance de nationalité.

Encore une fois, les députés suédois sociaux-démocrates et des partis de droite se sont vus contraints de s’allier pour faire front face à la montée persistante de l’extrême-droite suédoise ; mais cette victoire ne signifie pas que l’extrême-droite suédoise est terrassée, loin de là.

Un parti marginalisé devenu central sur l’échiquier politique suédois

Issu de la mouvance néonazie, le SD a pourtant tout fait pour polir son image, et se revendique aujourd’hui comme un parti « national-démocrate centriste ». Fondé en 1988, il recueille entre 1% et 6% des voix jusqu’en 2010 ; mais c’est en 2014 que le SD voit une augmentation impressionnante de ses scores lors des élections législatives. Remportant 12,9% des voix exprimées, le parti devient ainsi la troisième force politique du pays et compte désormais 45 députés siégeant au Riksdag, le Parlement suédois. Alors que la Suède est réputé être « le pays de la social-démocratie », de la tolérance, les élections de 2014 marquent un tournant dans l’histoire politique du pays.

Au cours de l’été 2015, un sondage de l’institut Yougov pour le journal Metro révèle 25,2% d’intentions de vote en faveur de la formation des Démocrates de Suèdes, qui se positionnent donc devant les sociaux-démocrates aujourd’hui au pouvoir (23,4% des voix) et le parti conservateur d’opposition, les Modérés (21,0% des voix). C’est la première fois en plus de 100 ans qu’un parti autre que les sociaux-démocrates ou les Modérés est en tête des sondages.

Un front commun contre l’extrême-droite

Après les élections législatives de 2014, le SD fait pression sur les sociaux-démocrates et le Premier ministre Stefan Löfven, en votant contre le budget du gouvernement. Celui-ci est donc contraint d’organiser des élections législatives anticipées, pour la première fois depuis 1958.

Pourtant, ces élections, qui devaient se tenir le 22 mars 2015, sont finalement annulées : les sociaux-démocrates au pouvoir et l’opposition de droite sont parvenus à un accord afin de faire barrage à l’extrême-droite suédoise. Cet « accord de décembre » couvre la législature actuelle et celle qui débutera en 2018, s’étendant donc jusqu’en 2022. Il permet notamment d’assurer un Premier Ministre issu d’un des partis de la coalition, mais aussi de garantir qu’un gouvernement, même minoritaire, pourra appliquer son budget.

Cet accord inédit a certes été salvateur et permet un barrage efficace aux députés SD aujourd’hui en place, mais il témoigne également de l’ampleur de la menace de l’extrême-droite et de l’instabilité politique suédoise. La nécessité de cette coalition, et le choix de l’étendre jusqu’en 2022, atteste aussi d’une chose : l’extrême-droite est entrée dans la vie politique suédoise de façon durable.

Redéfinir le paysage politique suédois

Historiquement, le système politique suédois est connu pour la place prédominante des sociaux-démocrates et la stabilité de son paysage politique. La Suède, comme la plupart des systèmes politiques scandinaves, est fondée sur un pentapartisme, c’est-à-dire cinq partis répartis en deux groupes qui s’opposent, l’un de gauche, l’autre de droite. Ainsi, depuis les années 1960, la scène politique suédoise est marquée par un fort clivage gauche/droite. D’un côté, on retrouve une coalition de gauche réunissant les sociaux-démocrates, le Parti de Gauche et les écologistes ; de l’autre, la droite s’est réunie sous l’appellation « Alliance pour la Suède », qui réuni les Modérés, les Parti du Centre, les libéraux et les Chrétiens-démocrates.

Mais la place grandissante des Démocrates de Suède oblige à repenser le paysage politique suédois. Quelle place donner à l’extrême-droite dans un pays de plus en plus submergé par l’accueil des réfugiés ?

La question des réfugiés est au cœur des enjeux politiques de la Suède

La Suède a longtemps été louée pour la réussite exemplaire de ses politiques d’intégration. Tout au long de la seconde moitié du XXe siècle, et dans les années 2000, le pays s’est construit sur cette image d’une terre d’asile. On voit alors des immigrés participant à la vie politique du pays ; en 2006, Nyamko Sabuni, née au Burundi de parents zaïrois, devient ministre de l’Egalité des genres et de l’Intégration dans le gouvernement libéral de Frederik Reinfeldt.

Pourtant, comme les autres pays européens, la Suède a, ces dernières années, de plus en plus de mal à gérer les afflux de migrants. Réputée pour sa bienveillance à l’égard des migrants et son système social généreux (chaque réfugié reçoit des cours intensifs de suédois à son arrivée dans le pays ainsi que des revenus sociaux à hauteur de 2300 euros par mois), la Suède a vu son nombre de demandeurs d’asiles doubler, devenant le plus haut au monde selon l’OCDE : le pays recevait 81 0000 demandes en 2014 et 163 000 en 2015.

Pour encaisser cette augmentation, le gouvernement, qui a voulu maintenir la politique menée depuis plus d’un demi-siècle, a voté une restriction budgétaire de 860 millions d’euros. En parallèle, un climat de paranoïa lié à des agressions de suédois par des migrants et la peur du terrorisme favorise la montée de l’intolérance et des idées d’extrême-droite.

Ainsi, alors que les Démocrates de Suède se placent en tête des sondages, des sympathisants d’extrême-droite se montrent de plus en plus violents envers les migrants : en janvier, un gang réunissant entre 50 et 100 personnes cagoulées, de sensibilité néo-nazie, est parti à « la chasse aux migrants » dans Stockholm. L’extrême-droite suédoise trouve en l’immigration le terreau qui lui permet de prospérer, et explique l’augmentation significative de ses sympathisants.

Christina Höj Larsen, porte-parole des sociaux-démocrates, rapporte : « Nous constatons depuis cet été un dangereux tournant dans la façon dont la question des réfugiés est abordée. L’atmosphère d’accueil qui avait suivi la diffusion de la photo d’Aylan Kurdi a cédé la place à un discours de restriction, de fermeture des frontières. Pire, les militants d’extrême droite se sentent autorisés à recourir à la violence, avec des attaques fréquentes visant les réfugiés et les lieux qui les accueillent. »

Une crise sociale et politique

La Suède, qui était si réputée pour son système politique social-démocrate et la qualité de ses politiques sociales et d’intégration, entre donc dans une crise sociale et politique.

Passée près d’une véritable crise de la gouvernance (si la coalition opposée aux Démocrates de Suède ne s’était pas formée, il aurait probablement été impossible de sortir une majorité des nouvelles élections législatives et le pays aurait été ingouvernable), la Suède doit faire face à des problématiques auxquelles elle n’a encore jamais eu à se confronter, et devra peut-être se demander si son système politique est toujours adapté aux enjeux actuels du pays. Si le rejet de la déchéance de nationalité est une victoire pour les partis conventionnels, ce n’est cependant que le début de la lutte contre la montée de l’intolérance et de l’extrémisme.

 

Valentine Richet

(1237 mots)

Germany: Political Leadership in Crisis?

by Madelyn Smith
THE TIME FOR this year’s annual Munich Security Conference could not have
arrived at a more complex and critical period in the formation of German refugee and
immigration policy. It comes on the tail of announcements of joint German-Turkish
political initiatives to respond to the refugee crisis, and amidst an increasingly tense
atmosphere within the European Union. The Conference has thrown the spotlight onto
Germany’s domestic approach to the migrant crisis, and its resolve to hold onto its
‘Wir schaffen das’ credo – a resolution which increasingly appears to be a struggle. It
was this (in)efficacy of Germany’s valiant attempt to open its borders to refugees
since August 2015, and to place political pressure on other EU countries to follow
suit, that was undercut by the responses of states at the Conference. It begs the
question: does Germany’s political position reflect German leadership during the
migrant crisis, or the disaster of the German leadership’s national response to the
crisis?
German Chancellor Angela Merkel was praised for her decision to suspend the 1990
Dublin Regulation last year, allowing for the arrival of over 1.1 million asylum
seekers in 2015. And yet, despite Merkel’s determination to pursue diplomatic
resolutions to the crisis – including recent talks with Italy’s Prime Minister Matteo
Renzi and Turkey’s Prime Minister Ahmet Davutoglu – the ability of Germany’s
political system to respond to the migrant crisis is dependent upon the actions of other
EU states. Merkel’s transnational strategy to respond to the migrant crisis requires the
cooperation of the Turkish government in preventing chaotic mass migration to
Greece across the Aegean Sea, and puts pressure on the country to continue to support
refugees fleeing Syria. In exchange, it relies upon EU cooperation to provide the
financial support for this venture, and to open channels for refugees to flow from
Turkey into the EU. German Federal Secretary of Defence, Ursula von der Leyen,
echoed this sentiment at the Conference: ‘Now is the chance. We have all heard the
announcements from last night. Now the proof must begin.’ In terms of a political
agenda, Germany’s is clear: its announcement of the unilateral acceptance of refugees
last year has, in the eyes of certain countries, fuelled mass migration across Europe.
Indeed, Hungary’s Prime Minister Viktor Orbán has stated that the crisis is a national
issue for Germany rather than one for all of Europe, as Germany’s national policy
drove refugees across the continent in the first place. By advocating for Europeanwide
cooperation, Merkel can give effect to her national migrant policy without
overworking the national system, through a more equal distribution of refugees across
Europe.
Yet there are great challenges to be overcome for this to work. Not only do the
countries opposing immigration pose a problem (including Hungary and its razor-wire
fence, the Czech Republic’s low refugee intake, and Poland’s reluctance to address
the issue as a priority); but Chancellor Merkel is also faced with wavering support
from German nationals as well. Merkel’s popularity has steadily declined in response
to national migrant policy, and consequently, her initial ‘Wir schaffen das’ philosophy
has been increasingly wound back. Her pledge to ‘drastically decrease’ German
intake of refugees underscores the urgency with which she pursues a united European
response today. The words of European Commission President Jean-Claude Juncker
last year, calling for ‘the collective courage to follow through on commitments even
when they are not easy; even when they are not popular’, seems to have fallen on deaf
ears.

Madelyn-Smith-Post-de-Blog
Source: http://www.independent.co.uk
Furthermore, Merkel must contest with the alarming rise of Pegida (Patriotic
Europeans Against the Islamisation of the West) and the results of a YouGov survey
showing that support for Germany’s refugee intake is falling, with almost two thirds
of respondents believing that the number of asylum seekers in Germany is too high.
German attempts to push for European commitment to the migrant crisis and ‘to set
the agenda [of the Munich Security Conference] on their own terms’, in light of
Germany’s own struggle to maintain the waning support for its national political
system, has led to François Heisbourg describing the system as ‘self-defeating’.
This can only indicate that, despite Germany’s need for a high level of regional
solidarity with its national migrant policy, in practice this solidarity is both weak and
rife with tensions. On the home front, Germany faces increasingly brittle and
dwindling solidarity with its political system from its nationals. The Chancellery’s
solidarity with its own policies has also hinged on its popularity and support amongst
voters (although this is hardly an issue confined to Germany’s political system). It
indicates a certain dysfunction of the German political system, with its domestic
policy tied up with and dependent upon the cooperation of regional bodies and other
states. This is a problem only exacerbated by the potential for hypocrisy as Germany
seeks to distance itself from its previous declarations that it would welcome all
refugees without qualifications.
To Merkel’s credit, her government shows a high capacity for resilience in their
approach to resolving the migrant crisis. The Chancellery has demonstrated flexibility
and the desire to promote fair and equitable solutions, promoting strong regional
leadership in the human security crisis. However, the German system’s ability to be
resilient in their response to the crisis is under threat. Firstly, from a lack of cohesion
with the policies of other EU member-states; and secondly, from German nationals’
lack of faith in their political system.
Finally, perhaps the political imperative that Merkel retain her popularity among
electorates will act as a motivating factor. Her government must remain adaptable to
the migrant crisis, to commit to finding a flexible solution with Central and Eastern
Europe through diplomacy and conferences such as the MSC. As contended by
Wolfgang Ischinger, the chairman of the Munich Security Conference, while
Germany may be constrained in its international actions, the government has won
moral credibility as a result of its strong policies.

 

WORD COUNT: 984
BIBLIOGRAPHY
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19012356.

LA MOLDAVIE EST-ELLE SUR LE POINT DE CONNAITRE SA REVOLUTION ?

Depuis des mois, la population moldave est témoin de la déliquescence de sa classe politique dans un contexte de plus en plus délicat de crise économique qui a fait de la Moldavie le pays le plus pauvre d’Europe. Le Jeudi 21 Janvier, au lendemain de la nomination par le Parlement de Pavel Filip au poste de Premier ministre, plusieurs milliers de personnes ont manifesté devant le Parlement au cœur de la capitale moldave Chisinau : la défaillance du personnel politique s’est traduite par une crise politique majeure qui remet en cause la légitimité d’un régime empoisonné par les affaires de corruption. Le gouvernement de Filip, troisième Premier ministre du pays en moins d’un an, fait donc face dès sa constitution à une forte contestation populaire. Ainsi, en quoi ces événements illustrent-ils l’instabilité d’un régime moldave miné par les errements de sa classe politique et en quoi peuvent-ils être annonciateurs d’un horizon plus démocratique pour le pays ?

Le nouveau gouvernement face à l’exaspération des Moldaves, histoire d’une crise qui s’éternise

Après de longs mois sans Premier ministre à la tête du gouvernement moldave, la nomination le 20 janvier 2016 d’un nouveau premier ministre pro-européen, Pavel Filip, n’a pas rassuré l’opinion. Des milliers de Moldaves ont pris d’assaut le siège du Parlement après le vote en faveur du nouveau gouvernement, animés par des slogans tels que : « A bas le pouvoir ! A bas les oligarques ! ». Les manifestations se sont prolongées au-delà du 21 Janvier, symbole d’un fort climat d’exaspération dans le pays. En effet, le dimanche 24 Janvier à Chisinau, entre 15000 et 40000 personnes ont manifesté au sein d’une large coalition regroupant plusieurs tendances politiques, preuve du consensus que fait actuellement le régime moldave contre lui. Si le chiffre peut sembler marginal, il représente en fait déjà un événement populaire d’ampleur pour un pays d’à peine plus de 3 millions d’habitants.

Le nouveau Premier ministre de Moldavie Pavel Filip a refusé le 25 Janvier d’accéder aux requêtes des manifestants et a confirmé le maintien en place de son gouvernement, mettant ainsi en lumière la crainte pour les manifestants de voir leur mouvement n’aboutir sur aucun changement concret dans le fonctionnement politique du pays. La question que posent les Moldaves n’est en fait pas celle de la légalité du pouvoir, mais bien celle de sa légitimité.

Un fait intéressant pour comprendre cette crise est que les Moldaves ont déjà saisi en 2015 à plusieurs reprises l’occasion de montrer leur mécontentement au pouvoir, ne récupérant en échange que des gouvernements fragiles s’effondrant les uns après les autres au rythme des scandales. Dix mille personnes s’étaient déjà réunies le 6 mai 2015 pour appeler à la démission de juges de la Cour suprême et d’hommes politiques indignes de leur confiance, tandis que des dizaines de milliers de personnes ont une nouvelle fois manifesté le 6 septembre 2015 pour appeler à la démission du président de la République Nicolae Timofti. Au fur et à mesure, ce mouvement plutôt hétéroclite conduit par des forces politiques diverses et de simples citoyens en colère est parvenu à construire une contestation désormais bien ancrée dans une société civile qui s’organise, mais dont la voix peine à se faire entendre auprès des institutions. Comment expliquer la persistance du pouvoir dans sa surdité face aux revendications d’une partie croissante de la population moldave ?

Un régime à bout de souffle, un système politique en panne de solutions

Les causes de cette crise politique et sociale sont à venir chercher non seulement dans le manque de confiance fait aux dirigeants moldaves impliqués successivement dans différents scandales financiers, mais aussi dans les failles structurelles du système politique du régime. La porosité du milieu politique avec les réseaux des oligarques, en particulier avec Vladimir Plahotniuc dont la connivence avec le nouveau Premier ministre a achevé de décrédibiliser ce dernier, est en fait la conséquence d’un régime éreinté par des années d’instabilité gouvernementale et surtout par une faiblesse de plus en plus criante du politique. L’ancien Premier ministre moldave Vladimir Filat est ainsi accusé de corruption, entretenant le climat d’insatisfaction au sein de la population depuis la disparition d’1 milliard de dollars des coffres des banques moldaves en avril 2015.

Le Président de la République moldave, Nicolae Timofti, est aussi sévèrement remis en cause : son mandat s’achevant en mars 2016, un autre candidat devra être élu par le Parlement à la majorité des 3/5e des 101 députés, ce qui laisse difficilement envisager qu’un président répondant aux aspirations des manifestants puisse émerger avec les votes de l’actuelle classe politique. C’est le président de la République qui désigne un candidat au poste de Premier ministre, ensuite soumis à un vote de confiance du Parlement : le rôle du Parlement est donc central dans le système moldave, ce qui explique la revendication des manifestants pour des élections législatives anticipées.

La Constitution moldave instaure un régime parlementaire où le gouvernement peut être renversé relativement facilement par une motion de censure : depuis dix ans, les partis de gauche et de droite se sont constitués en deux coalitions parlementaires qui font et défont les gouvernements sur le clivage entre pro-russes et pro-européens. Il faut aussi savoir que le pays était sans Premier ministre depuis le 29 octobre 2015 avec la destitution du Premier ministre Valeriu Strelet du Parti libéral-démocrate PLDM, suite à un vote de confiance réclamé par une nouvelle vague de manifestations. Cette situation critique montre à la fois l’incapacité du régime à trouver une stabilité gouvernementale mais aussi son échec à trouver des solutions à la crise politique qui paralyse le pays.

Une « révolution démocratique » à venir ? Une hypothèse encore fragile

Pourtant, si le régime moldave est sans doute en train de traverser la plus grave crise de son histoire depuis la sortie du pays de l’URSS, les contours de l’avenir politique que laisse entrevoir cette recrudescence des contestations sont encore flous. C’est en effet moins le fonctionnement institutionnel du régime que l’incompétence du personnel politique qui est visé. La question de l’orientation pro-européenne ou pro-russe de la politique du pays est aussi cruciale, ne manquant pas de rappeler la situation politique de l’Ukraine à l’automne 2014 et illustrant surtout les divisions internes au sein même du mouvement, laissant sceptique sur sa possibilité à se transformer en une opposition durable.

L’opposition prorusse et une plateforme apolitique représentant la société civile moldave, ­Dignité et Justice, font pression sur le Parlement et sur le président moldave pour organiser des élections anticipées. On peut ainsi retrouver le leader pro-européen du mouvement Dignité et Justice Andrei Nastase et Igor Dodon, chef des socialistes moldaves prônant un rapprochement avec Moscou, réclamer ensemble la formation d’un nouveau gouvernement qui émergerait d’élections législatives anticipées. On peut cependant se demander si ces élections législatives bouleverseraient véritablement la donne en faveur des contestataires qui sont beaucoup trop divisés à ce jour pour s’accorder sur une solution politique commune.

Ainsi, au-delà de ces tensions, si le rapprochement entre un mouvement pro-européen libéral et les socialistes pro-russes semble hypothétique, c’est la même volonté d’en finir avec un régime à bout de souffle organisant une caricature de démocratie qui prime parmi les manifestants. La Moldavie est-elle donc en train finalement de connaître sa révolution vers plus de démocratie, de transparence du personnel politique, et surtout vers un retour de la confiance dans les institutions ? Au final, si l’on peut douter de l’émergence rapide d’un Etat de droit en Moldavie, on peut espérer que l’ampleur de la mobilisation citoyenne peut contraindre la classe politique au pouvoir à s’adapter au besoin grandissant de démocratie de sa population.

 

Par Louis RIBOUT

 

Le Brexit influe-t-il sur le système politique britannique ?

Par Benoît-Marie R. de Linage

le 19. II. 2016

Qu’est-ce que le Brexit révèle de l’état du système politique et partisan britannique, de ses forces et de ses faiblesses ?…

Les mois de janvier et de février furent assez intenses pour le premier ministre britannique David Cameron, qui effectue une tournée européenne auprès des institutions de l’Union européenne et chez ses partenaires principaux sur le continent, la France et l’Allemagne notamment. Ceci afin d’essayer d’obtenir des garanties suffisantes pour qu’il puisse convaincre les membres du parti conservateur de soutenir le maintien du Royaume-Uni dans l’Union Européenne. En effet, la pression sur ce sujet est de plus en plus forte outre-manche et risque de forcer la main du premier ministre.

Pourquoi ce référendum ? Lorsqu’il l’a proposé en 2015, David Cameron essayait déjà de couper l’herbe sous le pied du parti qui avait alors le vent en poupe, l’UKIP de Nigel Farage. Celui-ci pouvait s’enorgueillir d’être la force politique la plus importante après les élections européennes, où il avait recueilli un peu plus d’un quart des suffrages exprimés. En effet, ce référendum est une promesse de campagne de Cameron pour les élections de la Chambre des Représentants de 2015. La nette victoire des conservateurs a surpris tout le monde – en particulier à Bruxelles. Depuis, le premier ministre britannique s’échine à parvenir à trouver un accord avec les institutions européennes pour pouvoir proposer son projet de référendum en position de force et arriver à un texte final du projet de renégociation de la participation britannique dans certains domaines.

Toutefois, les difficultés de trouver une position nette est révélatrice d’une certaine impuissance de David Cameron, et d’une cristallisation de la question entre l’opinion publique qui se fait de plus en plus pressantes. Un sondage sorti en début de semaine montre que 45 % des électeurs du Royaume-Uni sont favorables à une sortie de L’Union Européenne. Certains points justifient cet euro-rejet : pourtant, rien n’est encore joué pour lé référendum à venir, avec encore de long contingent d’indécis. Certains partis politiques apparaissent divisés sur la question. Quelle influence cette question du Brexit a-t-elle sur le système partisan et politique du Royaume-Uni ?

Si pour un parti comme le UKIP la question du positionnement idéologique sur le Brexit apparaît claire, avec un militantisme fort pour la sortie de l’UE, pour les deux partis traditionnels, la question semble plus épineuse. En effet, le parti conservateur est assez divisé sur la question. Cela s’est notamment vu le 6 janvier dernier, lorsque David Cameron a déclaré qu’il ne liait pas ses ministres à la solidarité gouvernementale sur la question, n’incluant donc pas des opinions qui seront sans doute différentes dans la responsabilité du cabinet devant à la chambre. Le parti au pouvoir n’en reste pas le plus vulnérable dans le débat : à l’initiative du référendum, c’est sur lui que la pression des sondages est la plus forte. David Cameron est celui qui est le plus en position de danger dans le débat.

Le parti travailliste a lui aussi lancé sa campagne pour le maintien du Royaume-Uni dans l’UE, se distinguant du parti majoritaire par une ligne partisane bien plus unifiée. Le groupe « In for Britain », dirigé par l’ancien ministre de l’intérieur de Gordon Brown, Alan Johnson, martèle depuis quelques jours de ne pas « Laisser la Grande-Bretagne isolée ».

Pourtant, si le parti conservateur semble hésiter entre les deux pôles du oui et du non, il est à noter sa position de force – apparente – à la chambre des représentants. Aux dernières élections, le parti mené par le premier ministre avait obtenu la majorité absolue, pouvant donc gouverner seul, avec 340 des 660 sièges. UKIP, malgré sa campagne forte sur l’euroscepticisme, a lui enregistré un camouflet retentissant : le mode de scrutin, uninominal majoritaire à un tour, ne lui a permis de ne faire rentrer qu’un seul élu à Westminster. En axant sa campagne sur cette proposition de référendum, David Cameron semble donc avoir réussi à siphonner des voix du UKIP – même si c’est le mode de scrutin a sans doute favorisé cette défaite du parti de Nigel Farage. On a cependant une réelle dépendance du Premier ministre vis-à-vis de sa majorité et du parti conservateur sur la question, et s’il ne parvient à trouver un accord qu’il juge satisfaisant avec Bruxelles, sa position risque de devenir plus inconfortable. Le risque d’émiettement du parti en plusieurs chapelles semble pourtant peu probable. La majorité à la chambre, si elle est absolue, n’en reste pas moins favorable aux europhiles, avec le poids fort des travaillistes. La question du Brexit fait donc surtout pression sur le premier ministre. Dans un régime ou celui-ci est depuis Margareth Thatcher l’homme politique incontestablement fort et la clef de voûte de la majorité, David Cameron va donc devoir s’échiner à continuer ses négociations avec les instances européennes pour s’assurer de pouvoir ne pas perdre le référendum. Il est déjà parvenu à obtenir quelques concessions ; reste à savoir si elles seront suffisantes pour convaincre son parti et ses électeurs. Son soutien au maintien dans l’UE, plutôt faible depuis quelques mois, révèle aussi de ses besoins de composer avec une opinion publique de plus en plus pressante. Le premier ministre apparaît donc intimement lié avec des fluctuations d’opinion ; cela ne peut que rendre sa position plus bancale et inconfortable.

Enfin, la question du Brexit n’est pas sans conséquences sur d’autres instances politiques, notamment dans la famille de la chef d’Etat. Des personnalités de la culture se sont prononcées contre la sortie de l’UE. Mais ce qui a été le plus constaté et le plus décrié c’est la récente sortie du prince William, petit-fils de la reine Elizabeth II et prince héritier, qui s’est prononcé du bout des lèvres contre le Brexit. Cette sortie médiatique timide étonne, car les membres de la famille royale n’ont pas l’usage de faire des déclarations publiques de leurs opinions de débats d’actualité. Lors du référendum pour l’indépendance de l’Ecosse, aucun membre de la famille royale n’avait pris de décision publique. Il est donc étonnant de voir comment ce débat semble cristalliser les positions respectives, alors même que la date du référendum n’est pas encore fixée. Cela semble donc un enjeu de taille pour le parti conservateur, et en particulier pour le David Cameron : si les concessions obtenues n’apparaissent pas suffisantes pour ses électeurs, cela fragiliserait fortement sa position, et un positionnement dans le camp du Brexit, encore hypothétique, pourrait lui compliquer la tâche au parlement, où il pourrait se retrouver en minorité sur le sujet.

Liens hypertextes :

http://www.lesechos.fr/monde/europe/021675792588-royaume-uni-un-sondage-donne-la-sortie-de-lue-largement-en-tete-1198061.php

http://www.lefigaro.fr/international/2016/02/17/01003-20160217ARTFIG00214-brexit-cinq-raisons-pour-lesquelles-les-britanniques-veulent-nous-quitter.php

http://www.lefigaro.fr/international/2016/02/18/01003-20160218ARTFIG00005-brexit-le-point-sur-les-concessions-faites-a-londres.php

http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2016/02/16/97001-20160216FILWWW00257-le-prince-william-se-prononce-contre-le-brexit.php

ESPAGNE// ELECTIONS GENERALES : NOUVEAUX ACTEURS, NOUVELLES REGLES

Comme prévu, les elecciones generales de décembre dernier mettent à mal la « caste »[1] politique composée des deux partis traditionnels espagnols, le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE) et le Parti Populaire (PP). Ces résultats ébranlent le système politique et force le Roi à imposer à Pedro Sanchez, leader des socialistes, la formation d’une coalition pour gouverner après l’échec du chef de file des conservateurs, Mariano Rajoy… sous peine de se retrouver de nouveau face aux urnes.

Les scrutins traduisent une rupture, tout du moins un désir de changement par rapport au système politique actuellement en vigueur en Espagne. Cette jeune démocratie s’est formée, depuis la mort de Franco en 1975, sur un système bipartisan ayant un monarque à la tête de son exécutif. Alors que l’affrontement centre-gauche (PSOE) contre centre-droit (PP) semblait s’installer durablement dans les urnes, le vote du 20 décembre 2015 inverse la dynamique et est le meilleur témoin du désir de changement de système politique partagé par les Espagnols.
                                                                                                                        

Alex

Résultats issus du site du ministère de l’intérieur espagnol              

La transition démocratique « dans l’ordre » espagnole

Prenons un peu de recul. Sur son lit de mort, el caudillo peut voir les dernières heures du régime autoritaire qu’il a mis en place depuis 1939. De nombreuses crises affaiblissent sa légitimité, comme le scandale de corruption MATESA en 1969, qui place sur le banc des accusés plusieurs ministres. Juan Carlos, issu de la famille des Bourbons, est désigné comme successeur à la tête de l’Etat. Après la mort du dictateur, l’Espagne se transforme en monarchie constitutionnelle dans le cadre d’une paisible transition démocratique.

Le rôle de l’exécutif n’est pas aisé : il faut alors concilier les aspirations libérales et démocratiques aux désirs de maintien de l’ordre et de la sécurité partagés par les citoyens. L’apprentissage de la démocratie a été long, et les legs franquistes expliquent un clivage des scrutins plus ou moins homogène, entre centre-gauche et centre-droit, durant toute la durée de la transition démocratique. Les partis promettant « le changement dans l’ordre » ont été plébiscités pendant de nombreuses années. En Décembre, on a assisté à une rupture.

 

Un nouveau dialogue politique dépassant le clivage bipartisan

En effet, c’est crispé que Mariano Rajoy, précédent chef du gouvernement, a annoncé la courte victoire du PP aux élections générales de Décembre. Avec seulement 123 députés sur 350 sièges, impossible de gouverner convenablement. C’est alors pessimiste que le représentant du PP à chercher à former une coalition avec le PSOE (90 députés), Podemos (42) ou encore Ciudadanos (40)[2]. Les chances d’arriver à un accord étaient minimes avec Ciudadanos, inexistantes avec Podemos et mises à mal par les véhémences du PSOE. Reconnaissant, après un mois de négociations, ne pas pouvoir présenter sa candidature à la présidence de la chambre basse[3], Felipe IV a proposé au secrétaire du Parti Socialiste, Pedro Sanchez, d’assumer cette responsabilité. Il lui faudra pour se faire rassembler plusieurs partis aux avis diamétralement opposés sur des questions territoriales, constitutionnelles ou même systémiques.

Pour s’assurer autant de sièges, Podemos a du s’allier avec certaines listes nationalistes au Pays Basque ou en Catalogne notamment. Même si Pedro Iglesias a infléchi sa position quant à la tenue d’un référendum portant sur l’indépendance de la Catalogne, Ciudadanos s’y oppose intégralement. D’autres questions, par rapport à la répudiation de la dette publique par exemple, vont à coup sûr être le fil rouge des négociations. Pour la première fois depuis 1977, date des premières élections démocratiques en Espagne, plus de la moitié des électeurs n’ont pas choisi l’un des deux partis arrivés en tête, et la négociation interpartisane est nécessaire pour trouver un gouvernement de coalition. L’alliance entre le PP et le PSOE étant exclue, ce sont les jeunes partis qui sont en position de force.

« Au sortir de la crise, les règles auront changé »

Les deux partis traditionnels ont donc perdu leur mainmise sur le pouvoir législatif espagnol. Le Roi est lui aussi mis à mal. Felipe VI est monté sur le trône après l’abdication de son père le 2 juin 2014, sous les bruits des manifestations citoyennes demandant un référendum sur l’avenir de la monarchie. Affaires de corruption, safaris luxueux, scandales à répétition … la famille royale dégoûte et s’éloigne d’une partie de l’Espagne. Alors que Juan Carlos était particulièrement apprécié pour son rôle durant la transition démocratique, notamment à propos de la prévention du coup d’état mené par l’extrême droite en 1981, c’est aujourd’hui la monarchie même qui est remise en cause par les scrutins des élections générales.

Ce processus est amorcé depuis presque dix ans, et a pris forme avec le mouvement des Indignés il y a quatre ans. Podemos a su offrir à ces personnes qui avaient conquis la rue une catharsis à la frustration et à la rage accumulées contre les institutions corrompues du gouvernement et de la monarchie. Pedro Iglesias leur avait promis un référendum sur l’avenir de la monarchie espagnole en cas de victoire. Bien qu’arrivée seulement troisième, la liste issue des mouvements sociaux de 2011 pourrait tout de même apparaître comme la pierre angulaire du prochain gouvernement. Son chef de file a exigé l’absence de Ciudadanos dans la coalition ainsi que plusieurs ministères clés, comme l’Intérieur ou l’Education. Le Roi ne sera a priori pas inquiété cette fois, mais il pourrait l’être d’ici quatre ans, lors des prochaines élections générales.

Ciudadanos a informé dès le début des négociations, comme pour celles entretenues précédemment avec le PP, que les votes de leurs députés ne pouvaient être assurés que par la promesse d’une réforme de la loi électorale, qui favorise très largement les partis traditionnels. Le résultat du 20 décembre 2015 peut donc nous faire penser que l’Espagne, après sa transition démocratique, rentre de plein pied dans une ère démocratique. Les aspirations anti-monarchistes sont traduites par les excellents résultats de Podemos. Pour une fois, la formation d’une coalition est nécessaire. Pedro Sanchez a demandé un mois pour cette mission. Ciudadanos ne laissera certainement pas non plus passer sa chance de transformer durablement le système politique espagnol. Lors de son investiture en 2011, Mariano Rajoy prévenait : « Au sortir de la crise, les règles auront changé ». Il ne pensait certainement pas être si proche de la vérité.

 

Axel Schoenhenz – 1130 mots

 

[1] Mot utilisé par Podemos pour décrire ses ennemis : les partis politiques traditionnels, mais aussi les banques, le marché capitaliste…

[2] Voir les résultats complets sur le site du ministère de l’intérieur : http://resultadosgenerales2015.interior.es/congreso/#/ES201512-CON-ES/ES

[3] « Je maintiens ma candidature, mais je ne peux pas la présenter aujourd’hui, parce que non seulement je n’ai pas la majorité, mais il y a une majorité contre moi. », vu sur LeMonde.fr, « Espagne : Mariano Rajoy renonce à former un gouvernement pour l’instant », le 22/01/2016 (Page consultée le 15/02/2016)

“Cameron’s EU Deal in Anticipation of a ‘Brexit’ Referendum”

On February 2nd of this year, British Prime Minister David Cameron and European Council President Donald Tusk finalized the draft of a deal renegotiating the United Kingdom’s European Union membership, following a letter issued to the European Council by Cameron last November. Though finalized between Tusk and Cameron, the deal will be put in place only after it is debated at the next EU summit, set to occur February seventeenth through nineteenth, at which time Tusk will attempt to convince the 27 members of the European Union to accept Britain’s new role.

There are four main part of Cameron and Tusk’s deal with regard to a nation that was always hesitant to fully integrate into the European Union: migration, sovereignty, currency, and competitiveness. The first aspect of the deal addresses the Conservative Party’s general concern with migrants from European as well as non-European states and the benefits available to non-UK citizens. The deal offers what is being called an “emergency break,” which is a political tool to regulate immigration from the EU to the UK by limiting the benefits and tax credits offered to non-UK citizens during their first four years of residence in the UK. It also would allow the government to adjust the benefits sent from non-UK citizens to children back in their home countries in relation to the cost of living. Though this ‘emergency break’ does mark a change from full compliance with EU regulations, it pales in comparison to Cameron’s initial desire to block all benefits being sent back home and those offered to non-UK citizens. In addition, the permission of the other EU governments is required to enact the ‘emergency break’ measure, which can only be used temporarily.

The second part of the deal negotiated between Cameron and Tusk involves the UK’s sovereignty, and is perhaps more symbolic than revolutionary. One of the guiding principles of the EU is that of “even closer union,” a concept that, eurosceptics argue, was never fully accepted in Britain. With regard to migration, Prime Minister Cameron hoped to stop Britain from increasingly assimilating into the European Union. In Tusk’s deal, a formal statement sets forth that the UK does not agree to further political integration, which is a formality, but an important one, with regard to ensuring the United Kingdom’s sovereignty.

The last two aspects of Cameron’s deal with Tusk involve the UK’s economic role in the European Union. Since the UK did not switch its currency to the euro but remained with the pound sterling, Cameron sought to have the pound recognized as an official European Union currency to prevent economic disadvantage in the future. In the final element of the deal which relates to the UK’s economic competitiveness, Tusk agrees to remove some restrictions imposed by EU on the UK, though what exactly would be done has not been specified.

Cameron’s deal has received mixed reviews across the United Kingdom, from Cameron himself declaring it a “triumph,”[1] to its characterization as a “slap in the face for Britain,”[2] to more moderate descriptions of the deal as effective “theatre.”[3] These responses range widely based on the speakers’ positions in relation to the big referendum expected in June or July of this year: should Britain remain apart of the European Union?

Cameron’s deal hoped to provide some of the benefits that would supposedly follow a ‘Brexit’, or British exist from the European Union, such as increased control over immigration, guaranteed British sovereignty, official recognition of the British pound sterling as a European currency, and fewer bureaucratic restrictions on business. Though the deal negotiated by Cameron and Tusk, complete with its ‘emergency break’ on immigration and formal recognitions of British sovereignty and currency, will not significantly change Britain’s relation to the EU, it will, perhaps, sway undecided voters to support ties to the EU. The quicker the referendum promised by the Conservative Party comes to pass, the less time given for a refugee crisis to incite xenophobia in Britain and influence the results.

Despite the autonomy offered by a Brexit, leaving the European Union would create rather than solve many of the issues confronting the United Kingdom today. To begin with, the negotiation process for Britain’s new deal with the EU demonstrated the complexity of these talks, even on a small scale. The terms on which Britain would leave the EU would most likely be far from favorable. Though Britain complains of the restrictions set by the EU, European membership allows for easier trade and incites economic growth. As McFadden, a Labour Party member of parliament puts it, “Britain does nearly half its trade with other European Union countries and, as an E.U. member, is part of a €18.5 trillion economy.”[4] Outside of the EU, the UK loses significant sway in the world market.

One of the main reasons motivating the British desire to leave the European Union is fear of refugees though, ironically, leaving the EU would increase pressure on Britain to accept more refugees. As it now stands according to the Dublin Regulation, asylum seekers must be processed in the first country they reach; this has allowed Britain to send thousands of refugees back to other European nations.[5]

Though Britain’s relationship to the European Union has been strained, and many believe that the EU has changed enough since the first British referendum in 1975 so as to merit another, much of the push for a ‘Brexit’ is ill founded. In terms of refugees and trade, Britain’s relationship with the European Union is highly beneficial. With regard to migrants from other European countries, Britain’s concern is unwarranted since they use fewer services than they pay back to the state.[6] Though the final draft of Cameron’s deal with Tusk included precious little of the staunch conservative goals he initially outlined, the process of researching and negotiating the deal uncovered enough practical evidence to strongly discourage a ‘Brexit’.

 

[1] “The accidental Europhile; Britain and the European Union.” The Economist 6 Feb. 2016: 11(US). Expanded Academic ASAP. http://www.economist.com/news/leaders/21690029-david-camerons-weedy-renegotiation-makes-muscular-pro-european-argument-accidental

[2] “David Cameron’s EU Deal a ‘slap in the Face for Britain’ as PM Admits It Won’t Cut Migration.” The Telegraph 2 Feb. 2016. http://www.telegraph.co.uk/news/newstopics/eureferendum/12135328/EU-referendum-draft-deal-revealed-by-Donald-Tusk-live.html

[3] “Slings and arrows; Britain and the EU.” The Economist 6 Feb. 2016: 51(US). Expanded Academic ASAP. http://www.economist.com/news/britain/21690053-renegotiation-britains-eu-membership-mainly-theatre-it-may-be-enough-david

[4] Cohen, Roger. “Britain’s ‘Brexit’ Folly.” The New York Times. The New York Times 26 Oct 2015. http://www.nytimes.com/2015/10/27/opinion/britains-brexit-folly-european-union.html

[5] Ibid.

[6] “The accidental Europhile; Britain and the European Union.” The Economist 6 Feb. 2016: 11(US). Expanded Academic ASAP. http://www.economist.com/news/leaders/21690029-david-camerons-weedy-renegotiation-makes-muscular-pro-european-argument-accidental

 

AfD : une dérive difficile à contrer

« Les policiers devraient pouvoir faire usage de leurs armes à feu sur les migrants ». Cette déclaration fracassante de la présidente du parti Alternative für Deutschland, Frauke Petry – qui fait suite aux sombres évènements de la nuit du Nouvel an à Cologne – n’a pas manqué de susciter un tollé au sein de la classe politique allemande. Certains se sont offusqués et ont comparé ces pratiques à celles des régimes totalitaires nazis et communistes. Le président du SPD, Sigmar Gabriel, est allé plus loin en plaidant pour un contrôle du parti populiste par les services secrets allemands de protection de la Constitution : « Il y a de quoi douter que l’AfD respecte les principes de la démocratie » a-t-il affirmé. Si Gabriel parait sûr de lui, il n’est pas certain que les institutions allemandes, disposant néanmoins des outils pour contrer l’ascension de partis fondamentalement antidémocratiques, puissent empêcher la progression de ce jeune parti populiste.

Une impressionnante ascension

Bien que l’AfD ait échoué à entrer au Bundestag lors des élections législatives de 2013, son ascension impressionne. Rares sont les partis qui parviennent à recueillir près de 5% des voix à un scrutin national seulement sept mois après leur création. La montée rapide de ce parti s’explique principalement par deux facteurs.

Premièrement par l’originalité de ce parti, dont les membres proviennent aussi bien du centre, des Verts, que de la droite et de la gauche républicaines[1]. Profondément eurosceptiques, ils se sont réunis autour de la critique de la monnaie unique, dans une zone euro beaucoup trop hétérogène économiquement. Ils ont vivement critiqué le système politique allemand, qui selon eux ne laissait d’autre choix que de soutenir l’euro. En effet, depuis 2013, la CDU et le SPD, les deux principaux partis allemands, représentant respectivement l’aile conservatrice et l’aile démocrate, gouvernent le pays à travers une Grosse Koalition. Le scrutin électoral allemand est fait de telle sorte qu’il permet une part de représentation proportionnelle des partis au Bundestag. Aussi le système politique allemand ne connait-il pas le bipartisme à l’anglaise. Les gouvernements de coalition constituent donc sa marque de fabrique et jusqu’à récemment, la CDU – et sa petite sœur bavaroise la CSU – et le SPD se succédaient au pouvoir, forts d’une majorité au sein de la coalition qu’ils menaient. Mais lors des élections fédérales de 2013, le parti centriste FDP qui jusqu’alors se ralliait à l’un ou l’autre des partis de gouvernement, n’est pas reconduit au Bundestag. L’Union démocrate-chrétienne, arrivée en tête du scrutin, n’avait d’autre choix que de former une « Grande coalition » avec le SPD.

C’est ainsi que l’AfD dénonçait dans ses jeunes jours une démocratie allemande défectueuse, sans distinction claire entre les partis et incapable d’apporter une véritable opposition politique, les deux grands partis de droite et de gauche gouvernant ensemble et ayant pour principal objectif de sauver l’euro, avec la conviction qu’il était dans le devoir de l’Allemagne de sauver l’Europe. L’AfD se présentait donc comme une réelle « alternative ». [2]

Deuxièmement, la réussite en politique est souvent due aux circonstances externes. En effet, après avoir axé ses discours de plus en plus à droite – fort rejet de l’immigration musulmane, entre autres –, l’AfD a fait de la crise des migrants son cheval de bataille. Les chiffres ne trompent pas : crédité de près 3% d’intention de vote à l’échelle fédérale en aout 2015 selon l’INSA, le parti recueillerait actuellement près de 11% d’intention de vote, ce qui fait de lui la troisième force politique allemande, devant les Verts et die Linke.

Des outils institutionnels inefficaces

Ainsi les outils du parlementarisme rationnalisé allemand, légués par le passé totalitaire de l’exercice du pouvoir en Allemagne, ne semblent pas infaillibles. Le pallier des 5% à atteindre pour pouvoir entrer au Parlement est l’un des plus élevés d’Europe (derrière les 7% de la Russie de Vladimir Poutine). Bien qu’il vise à stabiliser le gouvernement et à faire obstacle aux partis subversifs, il ne parviendra pas à empêcher l’entrée de l’AfD au Bundestag en 2017. Et de fait, le parti populiste s’est déjà imposé dans le Landtag de la Saxe, de la Thuringe et du Brandebourg en ayant obtenu plus de 5% des voix.

Mais le président du SPD et vice-chancelier Sigmar Gabriel ne s’avoue pas vaincu. Il déclarait à l’hebdomadaire Bild am Sonntag après la sortie médiatique de Frauke Petry : « l’AfD est du ressort de la protection de la Constitution et n’a rien à faire à la télévision. […] Dans le passé, une règle claire était en vigueur en Allemagne : les partis qui se prononcent contre les principes démocratiques et de liberté de notre pays, nous ne leur venons pas en aide pour diffuser leur propagande à la télévision ». Le vice-chancelier se réfère à l’article 21 de la Loi fondamentale allemande, qui déclare inconstitutionnels les partis qui « d’après leurs buts ou d’après le comportement de leurs adhérents, tendent à porter atteinte à l’ordre constitutionnel libéral et démocratique […] ». Cet article, propre à la Loi fondamentale allemande de 1949, est directement lié au traumatisme de l’exercice du pouvoir du NSDAP et du Parti communiste. De fait, il habilite théoriquement le Tribunal constitutionnel fédéral à statuer sur l’anticonstitutionalité d’un parti. Dans l’histoire de la RFA, seuls deux partis ont été reconnus inconstitutionnels et ont été interdits dans les années 1950, chacun découlant directement du parti nazi et du parti communiste. Mais il convient de reconnaitre que prouver que les fins d’un parti politique sont antidémocratiques est une tâche difficile.

Suite à l’appel de Gabriel, la réaction de l’Office fédéral de protection de la Constitution ne s’est pas fait attendre. Son président, Hans-Georg Maaßen, a affirmé publiquement que la surveillance du parti n’était pas à l’ordre du jour, ce-dernier ne représentant pour l’instant « aucun danger pour l’ordre constitutionnel libéral et démocratique ». Selon lui, d’autres partis abritent des « sectaires » et des « frustrés » sans pour autant influencer la ligne directrice dudit parti. Il ajoute toutefois que si cette tendance extrémiste venait à se généraliser et à gagner en influence au sein de l’AfD, il reconsidèrerait sa position. A noter que selon Maaßen, le danger viendrait plutôt des migrants au sein desquels se cacheraient des djihadistes.

Néanmoins, quand on sait que l’élection de Frauke Petry à la présidence de l’AfD en juillet dernier a mené à la démission de nombreux membres de l’aile libérale du parti, dont son fondateur Bernd Lucke, et que cette dernière n’exprime aucun remord en incitant la police à tirer sur femmes et enfants réfugiés, on est en droit de penser que l’« Alternative pour l’Allemagne » prend la tournure d’un parti d’extrême droite irrespectueux des valeurs de liberté et de démocratie. Faut-il attendre de nouvelles dérives pour s’en inquiéter ?

Romane Paris

1148 mots

[1] Was ist, was will, wie wirkt die AfD?, Werner Alban, 2015

[2] “The rise of the German Eurosceptic party Alternative für Deutschland, between ordoliberal critique and popular anxiety”, International Political Science Review, Grimm Robert, 06/2015

La lutte des symboles ou les difficultés de l’unité culturelle ukrainienne

Le samedi 29 janvier, au son de l’hymne national ukrainien, s’effondraient les 7 mètres de la statue de Grigori Petrovski, principal exécutant de la terreur soviétique en Ukraine et co-responsable de la grande famine des années 1930. L’opération, organisée par la municipalité locale, a lieu à Dnipropetrovsk, ville proche de la région sécessionniste du Donbass. Cet acte spectaculaire à l’encontre “du bourreau soviétique” selon les mots de la municipalité, intervient dans un cadre plus large de recompositions et de mutations des symboles nationaux ukrainiens, dans le contexte post-Maïdan.

Il est particulièrement surprenant de voir comment les symboles soviétiques ont été réinvestis dans l’espace publique en Ukraine et font l’objet d’une mise en scène systématique, aussi bien dans le camp « loyaliste » que « pro-russe ». Ainsi le 8 décembre 2013, soit au début du mouvement Euromaïdan qui a abouti à la chute du président Ianoukovytch le 21 février 2014, les militants de Svoboda, l’organisation d’extrême-droite, abattaient la statue de Lénine installée à Kiev depuis 1946. A l’inverse, les manifestations pro-russes emploient de façon récurrente hymne soviétique, drapeaux rouges, ou lieux de rassemblements portant des noms de dirigeants soviétiques, à l’instar de la manifestation du 8 mars 2014 à Donetsk. De toute évidence, ce réinvestissement dans la symbolique de l’URSS ne traduit aucunement l’amitié des russophones pour la pensée léniniste, les leaders n’hésitant pas à affirmer leur proximité idéologique avec Russie Unie, le parti de M. Poutine qui s’apparente davantage à un parti de droite populiste et traditionaliste. Il s’agit en réalité d’un conflit autour de la mémoire ukrainienne, celle-ci étant devenue le nouvel élément de ce que Charles Tilly appellerait le « répertoire d’action » des deux factions. Les « loyalistes » espèrent ainsi effectuer un parallèle entre la domination soviétique d’hier et l’impérialisme russe d’aujourd’hui, tandis que les « pro-russes » souhaitent justifier leur proximité avec la Russie à travers l’héritage soviétique.

Cette lutte autour de la mémoire n’est qu’une dimension d’une lutte culturelle plus large pour « bricoler sa nationalité » (Lévi-Strauss) et ainsi affirmer à quel Etat la population d’un territoire déterminé devrait appartenir. L’utilisation de symboles a donc une double fonction : d’une part mobiliser son camp autour de rites, de sentiments, d’une identité commune ; d’autre part lutter pour imposer sa vision de l’avenir du pays en la posant comme la conséquence « naturelle » d’un continuum de faits historiques, linguistiques, … Cette somme de caractéristiques culturelles servent ainsi à justifier l’existence ou l’inexistence de telle ou telle nation, et à légitimer ou illégitimer tel ou tel destin national.

Comment la question nationale a-t-elle pris autant de force en Ukraine ? Dans la communauté russophone, le déclassement colossale qu’ont connu ses membres –qui étaient notamment très favorisés sur le marché de l’emploi— après la chute de l’URSS a développé une porosité forte aux idées véhiculées par des intellectuels à l’instar Alexandre Douguine. Celui-ci, proche des dirigeants des « Républiques populaires » plaide pour une Grande Russie, un anti-occidentalisme et des valeurs traditionnalistes et orthodoxes. Dans le reste de la population ukrainienne, c’est également sans conteste l’idée nationale qui fût le moteur de la révolution, les ukrainiens jugeant le peu d’indépendance qu’observait le président Ianoukovytch vis-à-vis de la Russie comme manifeste d’une souveraineté nationale encore non achevée. Portées par une volonté d’indépendance nationale, les premières mesures du gouvernement issu de la révolution visaient donc à affirmer l’identité ukrainienne du pays. C’est pourquoi le 23 février, soit dès le lendemain de la révolution, le pouvoir ukrainien rayait le russe de la liste des langues officielles. Les discours extrémistes et anti-russes se libérèrent, ainsi que la violence des milices d’extrême droite. Cette hostilité fût perçue comme d’autant plus dangereuse par la population russophone que les médias russes et les entrepreneurs identitaires exagèrent le poids des groupuscules d’extrême droite dans le mouvement de Maïdan et le gouvernement révolutionnaire. Les prétentions de l’Etat ukrainienne ont ainsi très probablement compté parmi les facteurs qui ont entrainé le mouvement sécessionniste de la population russophone, puis conduit, par un effet de miroir, à la montée d’antagonismes nationaux entre les deux communautés au cours du conflit.

L’Ukraine est ainsi le théâtre d’un conflit entre deux nationalismes opposés, qui à l’aide d’un ensemble de symboles et de références, créent et recréent deux identités distinctes. L’Etat ukrainien est donc bien en peine de créer une identité nationale commune, alors qu’il souhaite rassembler autour d’un système politique unique la région du Donbass, de la Crimée et le reste de l’Ukraine, comme l’a déclaré le président Porochenko lors de sa conférence de presse de rentrée du jeudi 14 janvier. Excluant pour l’instant une forme institutionnelle de type fédéraliste, M. Porochenko tente de réunir les communautés à l’aide de solutions classiques comme les vagues de conscriptions réintroduites dès mai 2014 qui au-delà de l’objectif militaire poursuivent un objectif d’unité, mais qui échouent à amener sous les drapeaux les russophones. Le pouvoir politique ukrainien se trouve alors confronté à une situation paradoxale : la mobilisation nécessaire pour gagner le conflit incite à souffler sur les braises de la révolution, et ainsi à stimuler le sentiment national ukrainien, tandis que l’unification impose un apaisement des prétentions nationalistes. Cette tension contradictoire amène la présidence à une certaine schizophrénie politique et à un jeu d’équilibriste pour ne pas faire sombrer l’Ukraine dans un éclatement définitif. Ainsi, si le gouvernement a fait adopter un projet de loi visant à renforcer l’autonomie des régions de l’Est le 31 aout 2015, il a maintenu pendant tout l’hiver 2015-2016 des assauts de grandes ampleurs contre les forces séparatistes. En somme, l’Etat ukrainien se trouve face au défi rencontré par de nombreux gouvernement européens au XIXe siècle. Celui de la nécessité de clore une révolution, alors même que celle-ci constitue sa base politique.

 

Lucas Puygrenier

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L’Espagne à la recherche d’un gouvernement

Plus d’un mois après les élections législatives du 20 décembre 2015, l’Espagne n’a toujours pas de gouvernement. Ce véritable blocage politique se niche au cœur des préoccupations des espagnols, partageant la place avec un taux de chômage inquiétant et des scandales politiques à n’en plus finir.

L’issue des élections législatives a en effet chamboulé le paysage politique du pays, le plongeant dans une forte instabilité. Le 20 décembre 2015, 46 millions d’espagnols se sont dirigés vers les urnes pour élire les députés du parlement. Avec 28,7 des voix, le Parti Populaire, mené par Marano Rajoy, a remporté les élections et obtenu 123 sièges au parlement. C’est le PSOE qui obtient la deuxième place avec 22% des suffrages et 90 sièges. Ces scores sont catastrophiques pour les grands partis traditionnels espagnols, talonnés par deux nouveaux partis : Podemos (20,7% des voix et 69 sièges) et Ciudadanos (13,9% des voix et 40 sièges).

C’est bien la première fois depuis que l’Espagne est devenue une monarchie constitutionnelle après les quarante ans de dictature franquiste, qu’aucun des deux grands partis n’a obtenu la majorité absolue auprès des urnes. Loin de 176 sièges nécessaires à l’obtention d’une majorité, ceux-ci doivent désormais composer avec plusieurs partis et former des alliances qui s’annoncent compliquées. Peut-être même irréalisables. Mais comment en est-on arrivé là ? Cette situation ne serait-elle pas l’aboutissement d’une crise plus ancienne ?

Le bipartisme, une vieille habitude en Espagne

Malgré un système électoral espagnol donnant l’avantage aux grands partis, ce bouleversement politique n’a pas réellement surpris dans le pays.

Rappelons-le, le parlement espagnol, appelé le Cortes Generales, est bicaméral. Il est composé du Congrès des Députés (chambre basse) et du Sénat (chambre haute), dont les membres sont élus simultanément et pour la plus grande partie, au suffrage universel. Le Congrès des Députés compte 350 membres élus au suffrage universel direct (tous les 4 ans). Le mode de scrutin est proportionnel, et les 52 circonscriptions correspondent aux villes de Ceuta et Melilla, ainsi qu’aux cinquante provinces espagnoles. Le nombre de sièges attribués aux provinces est proportionnel à leur population, mais chaque circonscription est dotée d’au minimum deux sièges, ce qui est favorable aux petites provinces.

L’important nombre de circonscriptions et la méthode électorale utilisée donnent par ailleurs l’avantage aux grands partis espagnols, qui sont pratiquement assurés d’avoir un siège dans toutes les circonscriptions, alors que les partis moins « importants » ne peuvent compter que sur les grandes circonscriptions. Le système électoral en Espagne confère ainsi un certain avantage aux deux grands partis traditionnels : le PSOE et le Parti Populaire (PP). Aussi le bipartisme en Espagne semblait assuré par le système électoral.

Une crise économique et institutionnelle remettant en question le système politique espagnole

Mais alors comment expliquer que le bouleversement du paysage politique espagnol ne surprenne pas grand monde ? En réalité, le dysfonctionnement actuel du système politique est le fruit d’une crise multiple qui affaiblit les institutions depuis plusieurs années …

Cette crise est tout d’abord économique : durement frappée par la crise financière de 2008, l’économie espagnole reste toujours bancale en 2015. Malgré une croissance économique de 3,2%, le pays fait face à un taux de chômage très élevé (21,4% en 2015), ainsi qu’a une augmentation importante de la dette publique. La politique d’austérité menée par les différents gouvernements a accru le mécontentement de la population et a contribué à l’apparition du Mouvement des Indignés (ou Mouvement 15-M), dont sont issus Podemos et Ciudadanos.

Ensuite, à cette crise économique et financière, vient s’ajouter une véritable crise politique. Les grands partis sont constamment secoués par des scandales touchant à la corruption et impliquant des grands noms de la classe politique. La famille royale n’est pas non plus épargnée, comme en témoigne l’actuel procès de la princesse Cristina d’Espagne et de son mari Iñaki Urdangarin, accusés d’avoir détournés des fonds publics.

Aussi, les citoyens sont nombreux à parler de la nécessité d’une régénération politique. Les critiques fusent vis-à-vis du système politique mis en place durant la transition démocratique de l’Espagne après la dictature de Franco, mais aucune proposition de réforme de la Constitution de 1978 ne remporte l’unanimité. A ces problèmes s’ajoutent également celui institutionnel de la montée du séparatisme catalan.

Pour beaucoup, il est donc essentiel de renouveler un système politique défaillant et de rompre avec le bipartisme traditionnel. Cette volonté se traduit notamment par la popularité du parti de la gauche alternative Podemos et du parti du centre Ciudadanos, qui mettent en avant leur volonté de se défaire de la corruption politique.

Une Espagne ingouvernable ?

Les élections législatives de décembre répondent donc aux attentes de la population espagnole dans la mesure où elles rompent avec le bipartisme et l’alternance entre le PP et le PSOE. Néanmoins elles amènent leur propre lot de difficultés dans un paysage politique très fragmenté … Le problème de la gouvernabilité en Espagne semble n’avoir aucune solution à l’heure actuelle.

Mariano Rajoy à la tête du Parti Populaire, est le premier à en avoir fait les frais. Il a dû reconnaître sa défaite momentanée auprès du Roi Felipe VI le 22 janvier : il n’a pas réussi à rassembler les soutiens nécessaires à la formation d’un gouvernement stable.

Aussi, le 2 février, le roi Felipe VI a proposé à Pedro Sánchez, à la tête du PSOE, de tenter de former un gouvernement. Ce dernier a demandé un délai d’un mois au président du Congrès des députés, le socialiste Patxi Lopez. Mais les négociations s’annoncent également difficiles pour les socialistes, qui ne disposent que de 90 sièges au parlement (leur pire score depuis la fondation du PSOE) … Avec qui Sánchez pourrait-il gouverner ?

Malgré des pressions internes au sein du PSOE, Sánchez a réaffirmé sa volonté de ne pas s’allier avec le PP et Mariano Rajoy, ainsi qu’avec des partis nationalistes. Une alliance à droite s’annonce donc très compromise. Sanchez préfèrerait en réalité une coalition à gauche, englobant Podemos et Ciudadanos. Mais le leader de Podemos, Pablo Iglesias, refuse de former une coalition avec Ciudadanos. En effet ces deux partis divergent concernant un certain nombre de points importants. La question de l’indépendance en Catalogne notamment, est un obstacle à toute alliance entre les deux nouveaux partis: Podemos y est favorable alors que Ciudadanos s’y oppose catégoriquement. De plus, Pablo Iglesias refuse une quelconque entente sans le respect de certaines conditions, comme l’instauration d’un exécutif de coalition où il serait vice-président, et l’obtention de certains ministères.

D’un point de vue arithmétique, Sanchez aura donc du mal à trouver une majorité, et doit dans un même temps faire face aux divisions au sein de son propre parti. L’Espagne se dirige sans doute vers de nouvelles élections … mais celles-ci ne pourront pas avoir lieu ne avant le mois de juin selon la Constitution espagnole. L’Espagne pourra-t-elle tenir jusque-là sans gouvernement ?

Emma Pinon, 11 février 2016

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http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/01/24/espagne-pourquoi-personne-n-arrive-a-former-de-gouvernement_4852704_4355770.html

http://elections-en-europe.net/institutions/elections-en-espagne/

http://www.lepetitjournal.com/madrid/accueil/actualite-espagne/237394-politique-qui-pourra-sauver-l-espagne

http://www.lemonde.fr/europe/article/2016/02/03/en-espagne-les-socialistes-vont-essayer-de-former-un-gouvernement_4858287_3214.html

http://www.lesechos.fr/monde/europe/021670849992-les-socialistes-espagnols-cherchent-a-batir-une-coalition-1197496.php

http://www.cafebabel.fr/politique/article/lespagne-toujours-en-quete-dun-gouvernement-introuvable.html