Projet de déchéance de nationalité de l’extrême droite reconduit : marginaliser un parti qui bouscule le fonctionnement du parlementarisme suédois

Alors que le 10 février dernier, les députés français se sont prononcés sur la question de la déchéance de nationalité à l’Assemblée nationale, la Suède, le même jour, sur la même question a fait le choix opposé. Les députés du Riksdag se sont prononcés défavorables à un amendement similaire porté par les Démocrates de Suède (SD) dans une dynamique de discrédit envers un parti qui dérange. Ce projet, proposé par deux députés du parti, prévoyait de déchoir les citoyens suédois condamnés pour un délit ou un crime en lien avec le terrorisme, de leur nationalité, au risque même de les rendre apatrides. La commission suédoise des affaires de justice s’est prononcée sur la question peu avant le vote de la motion et a expliqué ne voir « aucune raison de restreindre la protection constitutionnelle de la nationalité suédoise ». Le Parlement cherche plutôt à trouver un moyen de restreindre les voyages liés au terrorisme. Ainsi les 45 députés du parti démocrate suédois ont voté pour cet amendement à un projet de loi anti-terroriste du gouvernement de gauche, seuls contre 236.

Cette marginalisation du SD (Sverigedemokraterna) sur l’échiquier politique n’est pas foncièrement nouvelle dans la vie politique Suédoise. Depuis sa création dans les années 1980, il est profondément marginal et mis de côté par les partis du bord opposé et par ceux du même bord politique. Originellement, ce parti à la droite des conservateurs laisse sceptique ses concurrents à cause de ses racines dans l’extrême droite et les mouvements néonazis. Bien que le SD se soit détaché de ces racines par différentes purges en son sein, il est toujours perçu comme radical et il est généralement exclu dans un système parlementariste où le rassemblement de partis en alliance et en coalition est nécessaire pour accéder à l’exécutif depuis une dizaine d’années. On a d’ailleurs vu lors des élections de 2010, les deux blocs promettre à leurs électeurs de ne pas collaborer et de ne pas gouverner grâce à l’aide du SD. Depuis le début des années 2000, le parti a grandi jusqu’à l’obtention de près de 13% des voix aux élections du Riksdag en 2014. Progression fulgurante puisque lorsque le SD entre pour la première fois au Riksdag en 1998 il n’obtient que 0,4% des votes tandis qu’aux dernières législatives il a obtenu 12,9% des votes[1]. Le plus intéressant est de voir comment ce parti récupère des électeurs des deux bords, mais obtient aussi des votes des abstentionnistes. C’est en ce point précisément qu’il est dangereux pour les autres partis d’autant plus dans ce contexte où la question migratoire fait polémique en Suède, et sur laquelle le SD semble démontrer une réactivité forte, notamment à travers ce projet d’amendement.

Il est néanmoins un acteur que les partis traditionnels doivent désormais prendre en compte. En effet depuis quelques années, le parti s’est illustré comme une sorte d’arbitre[2] dans la vie politique suédoise. Ce rôle, il l’a mis en pratique en 2014 lors du vote de la proposition du budget du nouveau gouvernement Löfven. En pratique, chaque parti vote pour sa proposition budgétaire pour le gouvernement. Généralement, le parti minoritaire au gouvernement obtient son budget. Les démocrates suédois ont fait figure de force en votant dans un premier temps pour leur proposition puis pour celle de l’opposition ayant pour conséquence que le gouvernement Löfven n’est pas parvenu à faire accepter son budget. Le premier ministre social-démocrate à la tête d’un gouvernement de coalition avec les verts a immédiatement décidé en réaction de convoquer des élections anticipées pour le début de l’année suivante, mesure drastique non utilisée depuis 1959[3] pour répondre à ce « séisme politique ». Afin d’éviter ces élections, on a vu  le gouvernement et l’Alliance (composée du parti du centre, du parti libéral, des démocrates chrétiens et du parti conservateur) s’adapter et convenir d’un nouvel usage pour l’adoption d’un budget. Le but premier de ce consensus, semble-t-il, est de neutraliser ce rôle d’arbitre[4] des démocrates suédois. Ainsi, il faut voir le rejet de la motion sur la déchéance de nationalité comme étant inscrit dans cette dynamique de rejet d’un parti qui vient mettre un frein au fonctionnement traditionnel du système de coalition.

Les démocrates suédois sont très conservateurs, mais dépassent la notion de clivage gauche/droite si l’on regarde leur électorat et le fonctionnement de ce système de parti. La Suède s’est longtemps organisée selon le modèle scandinave parlementaire avec cinq partis (Parti de gauche, Sociaux démocrates, Parti du centre, Parti libéral et Conservateurs). Depuis les années 1980, quatre partis ont rejoint le système : Les Verts, La Nouvelle Démocratie, les Démocrates Suédois et les Démocrates-chrétiens. A l’exception du SD, ces nouveaux partis se sont insérés dans cette dynamique dominée par la dimension gauche/droite. Les verts ont rejoint le bloc de gauche et les démocrates chrétiens font désormais parti du bloc de droite. Cette ligne de fracture bipolarise le système politique suédois des partis. Le SD, nous l’avons vu, ne s’insère pas dans cette dynamique, mouton noir rejeté de tous côtés de l’échiquier politique. Le rejet de la motion en est un exemple frappant d’autant plus que le projet d’extrême droite était assez bien perçu par la population dans une certaine proportion. Par ailleurs, cela met en lumière un réel problème au niveau du système de parti qui ne parvient à faire émerger de majorité forte, et on voit assez rarement (le dernier exemple en date remonte à 2006[5]) un gouvernement soutenu par une majorité au Riksdag. Les partis doivent recourir à des alliances pour assurer leur pérennité.

L’enjeu pour le futur du système suédois est clair : Comment la politique des blocs est-elle appelée à évoluer ? La dimension binaire stable constituée de deux blocs a pris fin et on voit l’émergence d’un troisième bloc marginal, les démocrates suédois. Auparavant, l’absence de majorité au sein d’un bloc n’était pas un problème dans le système binaire au sein d’une culture du consensus, et de règles facilitant la création d’un gouvernement majoritaire. Les démocrates suédois et leur capacité à refuser les budgets à l’avenir ont la capacité de créer un blocage, jusqu’alors évité grâce à un accord informel entre les partis traditionnels. Les démocrates suédois ont amorcé un changement profond qui questionne le système bipolaire traditionnel et il faudra voir si les partis retrouveront la tradition face à un blocage ou si un blocage inclura le SD dans le système d’alliance.

Par François Grenet

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[1] Emiliano Grossman, Nicolas Sauger, Introduction aux systèmes politiques nationaux de l’UE, “La Suède” De Boeck, 2007.

[2] Nathalie Brack, Jean-Michel de Waele, Jean-Benoît Pilet (dir.), Les démocraties européennes, “La Suède” Armand Colin, 2015

[3] Idem

[4] Ibid

[5] Ibid

Pologne | Avortement : comment le débat révèle l’emprise croissante de l’Église sur le système politique.

Droit des femmes et conservatisme politique ne font décidément pas bon ménage.

À la tête du pouvoir en Pologne depuis fin octobre 2015, le parti ultraconservateur Droit et Justice (PiS), affiche en effet dans le domaine des positions de plus en plus radicales en s’attaquant au droit à l’avortement – largement épaulé en ce sens par le corps ecclésiastique polonais.

Si le droit à la vie est un cheval de bataille on ne peut plus traditionnel du catholicisme, le caractère singulier du débat réside ici dans les liens très étroits unissant la puissante Église de Pologne, et le parti conservateur au pouvoir. De plus en plus, on semble ainsi assister à un interventionnisme croissant de l’Église dans les affaires politiques et sociales du pays… Voire à une instrumentalisation progressive du politique par le corps ecclésiastique.

Motivé par l’Église, le recul d’une législation déjà très restrictive

À l’occasion des 1050 ans du baptême de la Pologne, les évêques du pays ont appelé le gouvernement à durcir les conditions d’accès à l’avortement. De 1956 à 1993, il était libre et gratuit. Depuis 1993, un compromis signé entre l’Église et l’État n’autorise plus cette pratique que dans trois cas : une grossesse issue d’un viol ou d’un inceste, une grave malformation du fœtus, ou une situation dangereuse pour la vie de la mère. Les évêques, soutenus par plusieurs associations pro-vie, demandent que seule cette dernière possibilité soit maintenue.

Les réactions politiques ne se sont pas fait attendre : la première ministre Beata Szydlo et le chef du parti conservateur, Jaroslaw Kaczynski, ont apporté leur soutien à cette réforme, déclarant « suivre la doctrine sociale catholique » – et Beata Szydlo de rappeler que « Le droit à la vie est sacré par le cinquième des Dix Commandements : « tu ne tueras point ». [+]». Sous l’impulsion de l’Église catholique, on assiste ainsi aux prémices du recul d’une des législations déjà les plus restrictives d’Europe.

L’Eglise ou l’ombre des conservateurs au pouvoir ?

Sur la législation relative à l’avortement comme plus généralement, l’Église et le PiS semblent travailler main dans la main. Le parti conservateur est connu pour sa proximité avec l’aile droite et radicale de l’Église catholique, leurs liens allant bien au-delà de la simple affinité idéologique.

Un rapport d’intérêt mutuel s’établit entre le deux entités : le soutien officiel de l’Eglise a ainsi permis aux conservateurs d’accroître leur assise électorale et de remporter une très large majorité au Parlement lors des dernières élections (328 sièges sur 460). Les évêques se font aussi relai des positions du parti au niveau local, n’hésitant pas à calmer les éventuelles protestations qui s’élèveraient contre le gouvernement[+]. En contrepartie, l’arrivée des conservateurs au pouvoir a largement conforté l’Église dans sa doctrine et lui a permis de trouver un prolongement directement politique à ses positions idéologiques, ce qu’elle n’avait jamais pu vraiment faire depuis le concordat.

Derrière l’État polonais semble désormais insidieusement se profiler l’ombre de l’Église. Citée dans Marianne[+], Monika Platek (professeur de droit à Varsovie et membre de l’association Congrès des femmes de Pologne) qualifie ainsi Beata Szydlo de « marionnette » aux mains de l’Église catholique ; loin d’être un cas isolé, c’est un argument que l’on retrouve fréquemment chez les partisans de la laïcité, inquiets de la place croissante que l’Église s’arroge en politique.

Les évêques qui montent, qui montent…

A travers l’exemple de l’avortement, c’est finalement une des failles du système politique polonais qui transparaît : sa porosité à l’influence religieuse, et la facilité croissante qu’a l’Église d’en pénétrer les structures. Rappelons-le : la Pologne est un pays officiellement laïc, dont la majorité des habitants revendique une appartenance au catholicisme. Depuis le concordat de 1993, l’Église s’est saisie de prérogatives majeures au détriment de l’État, comme la question du mariage [+], diabolisant par exemple le divorce.

Si aucun parti n’a jamais osé s’opposer frontalement à elle, les impératifs électoraux dissuadaient au départ les forces politiques d’adopter une ligne idéologique trop radicale ; en 2007, des ténors du PiS avaient menacé de quitter le gouvernement si la loi réglementant l’avortement était modifiée.

Sans doute du fait d’un mouvement général de montée et de banalisation des discours extrêmes en Europe, la rhétorique s’est désormais durcie, et le motif religieux est devenu structurant chez le gouvernement conservateur. L’influence de l’Eglise se manifeste dans une bataille politique en faveur du « droit à la vie » (restriction de l’accès à la fécondation in vitro et à la pilule du lendemain), ou à travers une omniprésence croissante dans d’autres sphères sociétales plus profanes, comme l’éducation. L’Église a ainsi demandé que la religion devienne une matière scolaire à part entière, au même titre que le polonais ou les mathématiques ; cette proposition a reçu le soutien de l’ultracatholique ministre de l’éducation Anna Zalewska.

Citée dans le Journal du Dimanche[+] l’association féministe Porozumienie 8 Marca résume ainsi la question : « L’Église se mêle de tout. Elle influe sur la politique, sur l’économie, sur notre quotidien et sur notre santé ».

Favoriser l’Église au détriment du peuple

Pourtant, la radicalité de l’Église polonaise ne s’accorde pas nécessairement avec les aspirations de la population. Les polonais sont en effet de moins en moins pratiquants et réceptifs à un discours radical, qu’il s’agisse de l’avortement ou autre : des manifestations d’opposition ont été organisées ; et selon un sondage de l’institut CBOS, seuls 30% des polonais seraient favorables à ce projet de loi[+].

Le gouvernement conservateur se trouve donc dans une position délicate. S’il avait soutenu des positions radicales avant son arrivée au pouvoir, les affirmer sur le devant de la scène politique est autre chose. En allant à l’encontre des aspirations de la majorité, le PiS s’exposerait à de fortes protestations ; mais les conservateurs sont également coincés sur leur autre flanc, car s’ils se plient à la majorité, ils perdent le soutien de l’Église. Le gouvernement semble dans une impasse, entre une population moins pratiquante, et une Église qui demeure hautement traditionnaliste. La préférence affichée par les ministres polonais pour les positions de l’Église, manifeste toutefois la progressive colonisation du politique qu’opère cette dernière – au détriment de principes démocratiques fondamentaux.

Il faudrait pour le gouvernement un vrai courage politique pour réussir à s’émanciper de la tutelle de l’Église ; mais, tant pour des raisons de proximité idéologique que d’immobilisme, cela semble pour l’instant exclu. L’influence de l’Église sur la politique polonaise est solide et structurelle – et tant que les conservateurs seront au pouvoir, cela ira vraisemblablement en se renforçant.

 

Théanô Gené

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Ecosse : Le SNP, un parti indépendantiste à la tête d’une Ecosse toujours dépendante ?

Par Heloïse Hubert

Le 23 mars 2016 résonne comme une date particulière en Ecosse. En effet si l’indépendance avait été approuvée lors du référendum en Septembre 2014, cette date aurait marquée sa partition officielle du Royaume-Uni. Cependant, toujours liée au Royaume-Uni, l’Ecosse est dirigée, depuis maintenant une décennie, par le parti nationaliste et indépendantiste SNP. Comment ce parti gère t-il cette contradiction après le Non au référendum ?

C’est une destinée différente qu’ont choisi les Ecossais : il n’y aura pas de nouveau siège aux Nations Unis pour cette nouvelle nation. Ils ont pris le parti de rester et conformément aux promesses de David Cameron, de nouveaux pouvoirs ont été attribué au parlement écossais, deux ans plus tard, en cette date symbolique du 23 mars. Ces nouveaux pouvoirs, négociés à Westminster sous le nom du Scotland Act attribuent à Holyrood (le parlement écossais) un contrôle renforcé sur l’imposition et les dépenses publiques, et la possibilité de réguler ses élections.

Les nouveaux membres du parlement, qui seront élus aux élections législatives du 5 mai prochain, auront entre leurs mains un parlement plus puissant que jamais dans l’histoire de l’Ecosse.

Ainsi s’écrit l’histoire de la ‘nouvelle Ecosse dans une nouvelle Grande-Bretagne’ comme il avait été promis aux électeurs. Or, ce n’est pas sans compter la large domination du Scottish National Party sur la scène politique écossaise. Ce parti, autrefois minoritaire, a remporté la quasi totalité des sièges à Westminster lors des dernières élections générales britanniques. Il est en passe de s’imposer, sans surprise, pour la troisième fois consécutive à Holyrood. Alors que les sondages montrent que les Ecossais plébiscitent encore très fortement l’indépendance, le SNP doit composer avec la dépendance toujours réelle à Westminster. Cela n’est-il pas contradictoire pour un parti indépendantiste ?

The party to end all parties

Le SNP a réussi à largement s’imposer dans le paysage politique écossais, et ce, en commençant dans les années 1970, par une campagne virulente, ‘It’s Scotland’s Oil’, après la découverte de réserves de pétrole dans la Mer du Nord. Ainsi, ils militaient pour que le revenu de l’or noir revienne là où il était extrait et profite aux Ecossais. En 2011, le parti réussi à s’imposer aux élections et forme son premier gouvernement.

Les forces politiques traditionnelles britanniques (le Labour en particulier mais également les Conservateurs) n’arrivent plus à mobiliser l’électorat, après la campagne du référendum où ils ont été perçu comme trop rattachés à Westminster et jouant sur les peurs des électeurs : le ‘Project Fear’.

Face à la rhétorique imparable du nationalisme, les autres partis politiques peinent à s’imposer.

L’or noir n’est plus : la question économique

La question du pétrole joue un rôle central dans la politique écossaise. En 2014, il avait été estimé que les revenus pétroliers rapporteraient 8 milliards de livres dans la balance du budget. Avec l’effondrement du prix du pétrole, les revenus ne seraient plus que de 100 millions de livres. Le modèle économique proposé par le SNP souffre d’une grande perte de crédibilité.

Nicola Sturgeon, actuelle premier ministre convoquera, à cet effet, cet été un groupe de travail pour revoir ses propositions économiques. Celles-ci avaient d’ailleurs, en partie, pousser de nombreux électeurs à choisir le camp du Non lors du référendum.

C’est dans cet configuration que UKIP, militant lui pour la sortie de l’Union Européenne, entend percer à Holyrood. Son leader, Nigel Farage, compte ‘casser le consensus politique à Holyrood’.

Bien que l’on puisse difficilement concevoir un vote massif pour UKIP lors des prochaines élections, cette entrée d’un nouveau parti anti système renseigne sur l’existence d’un terreau possible pour celui-ci.

Rhétorique forte, politique modérée

En effet, le SNP à l’ouvrage au parlement s’est montré beaucoup moins virulent que ce qui était initialement annoncé dans les discours. Il avait notamment promis, à travers Nicola Sturgeon, des prises de positions sur le désarmement nucléaire et plaçait la redistribution économique au cœur de sa politique. Or, en vérité, à l’action, les mesures prises par le SNP se situent plus au centre de l’échiquier politique. De plus, aucun signe ne montre que cette politique est en passe de changer. En effet, la campagne pour les législatives voit les différents camps s’affronter sur le sujet de l’augmentation des taxes. A cet effet, le Labour écossais accuse le SNP de suivre l’austérité de Westminster en refusant d’augmenter celles-ci (alors que l’on vient de leur en accorder la possibilité) et en réduisant les budgets des services publics.

La crédibilité du SNP s’effrite également, malgré lui, sur l’éminent Brexit. En effet, le parti europhile se voit dans l’obligation de militer pour la poursuite de l’adhésion à l’UE, suivant ainsi la ligne de son rival à Westminster…David Cameron, et d’une partie du parti Conservateur. Un comble pour un parti indépendantiste aux lignes traditionnellement à gauche !

En toile de fond : l’indépendance

Malgré ces contradictions, le soutien pour le SNP reste très fort parmi l’électorat. 85 000 personnes ont rejoint le parti après la défaite du référendum. En effet, l’indépendance mobilise toujours et dépasse les éventuelles contradictions du parcours du SNP. Le sujet n’est d’ailleurs pas enterré au SNP et fait l’objet de travaux, comme par exemple la commission de travail qui planchera cet été sur le modèle économique.

Cependant, le parti sait que, pragmatiquement, il ne peut se risquer à un nouveau référendum trop tôt (sauf Brexit ou changement drastique dans l’opinion publique) : celui-ci, en cas de nouvel échec pourrait signer la fin définitive des débats. Alex Salmond, ancien premier ministre, avait d’ailleurs déclarer à cet effet qu’on ne pouvait en tenir ‘qu’un par génération.’ Il s’agit alors pour eux d’entretenir le débat sans enclencher de nouvelle procédure formelle.

 

Le SNP apparaît alors comme le reflet d’une population dont les demandes restent fortement en faveur de l’indépendance mais qui dans l‘application se montre moins radical : à l’image du non au référendum. On peut alors supposer, comme le formulait l’historien Tom Devine, que les Ecossais, plus que l’indépendance, souhaitent un gouvernement qui leur ressemble.

 

Mots : 1006

 

 

 

LE « PANIER DE CRABES » SERBE A L’AUBE DES ÉLECTIONS D’AVRIL 2016. Balkanisation de l’opposition et recompositions partisanes dans la Serbie d’ A.Vučić

 

Par THOMAS HARBOR

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Aleksandar Vučić est l’homme fort en Serbie : chef du gouvernement après que son parti, le Parti Progressiste (SNS) ait obtenu 48% des suffrages – soit 63,2% des sièges grâce au bonus prévu par le mode de scrutin proportionnel plurinominal à la plus forte moyenne – disposant d’une majorité absolue renforcée par une alliance avec le Parti Socialiste (SPS), et caracolant dans les sondages. A priori nul besoin pour Vučić de demander au président Nikolić la dissolution de l’Assemblée monocamérale serbe deux ans avant l’échéance. Cette dissolution à l’anglaise illustre la « balkanisation de l’opposition » serbe à l’aune de clivages politiques anciens et nouveaux. La séquence politique venir sera chargée, avec la tenue simultanée des élections législatives anticipées et de l’assemblée régionale de Voïvodine. Dans une campagne marquée par les accusations  d’autocratisme, par la volonté de « mettre à genoux » la presse, et par le retour fracassant de V. Seslj, récemment acquitté  par le TPIY, les élections à venir sont les 8e anticipées sur 11 depuis 1990.

« L’opposition n’a jamais été aussi faible », constate S. Bogosalvjevic. Et pour cause, la coalition SNS-SPS monopolise 81% des sièges de l’assemblée et pourrait voir sa part augmenter. En chute libre depuis l’arrivée du SNS en 2012, le Parti Démocrate (DS) représenterait entre 7 et 10% des sièges le 24 avril. Il n’aurait pas la capacité constitutionnelle, fixée à 60 parlementaires par l’article 130 de la constitution, de voter une motion de défiance. L’abandon de l’alliance électorale avec le Parti Libéral Démocrate, six semaines avant l’élection, rend inévitable la fragmentation extrême dans la prochaine assemblée. Hormis la coalition SNS-SPS et le DS, il est probable qu’aucun autre parti n’atteigne le seuil de 5% pour être représenté au sein de la circonscription unique de Serbie. A gauche le « Syriza » serbe de Stefanovic ne fédère pas ; à droite le retour aux urnes de Seslj avec le Parti Radical (SRS) ne pèsera pas énormément.

L’arrivée du SNS, au pouvoir en 2012 a clos un clivage fédérateur : celui de l’opposition anti-Milosevic incarnée par l’Opposition Démocratique de Serbie, dans laquelle le DS était leader. Celle-ci avait unifié une coalition large de 18 partis, élus en 2000 avec comme matrice idéologique l’opposition à l’héritage de Milosevic. Le SNS est crée en 2008 à l’issue d’une scission avec le SRS : c’est donc un parti épuré des anciens cadres de Milosevic qui arrive au pouvoir en 2012, rendant difficile les tentatives d’union autour d’une opposition démocratique contre Nikolić ou Vučić. Ensuite, le SNS, en se démarquant du SRS, a pris les traits d’un catch all party dans la ligne de la droite de l’ex-bloc communiste : libérale en économie, nationaliste-conservatrice-autoritaire sur le plan politique et sociétal. Mais le SNS fait le pari d’une orientation pro-européenne, en candidatant à l’UE en 2012, assez étrangère aux partis nationalistes traditionnellement russophiles. En devenant un catch all party, le SNS a acquis une large part du « marché politique ».

Face à cela, le DS devient un « incubateur politique » à l’origine avec de nombreuses créations et reconfigurations idéologiques des partis, visibles dans la partie supérieure de droite du tableau (infra). On assiste à une phase d’hyperpartisme (Djurkovic). L’on pourrait aussi, en suivant la shakedown hypothesis  (Bochsler), dire qu’il s’agit de l’amorce d’une période de fusions à venir entre les partis. Après la période de profusion des années 2000-2012 suivant la révolution bulldozer : de nombreux partis dans des coalitions larges et sans consistance idéologique. Les élections de 2016 pourraient accélérer la chute du nombre de partis et leur restructuration idéologique autour d’un bloc restreint.

Il ne faut pas négliger pour autant l’importance des clivages ethnico-linguistiques comme matrice de la politique serbe. L’élection cruciale à cet égard est l’élection de l’assemblée régionale de Voïvodine, au nord de la Serbie, déjà qualifiée de “bataille de Voïvodine” ». Seule province autonome encore rattachée à Belgrade, constituée à 1/3 de non-serbes et reconnaissant 6 langues officielles, la Voïvodine constitue un espace politique sui generis. Les élections seront structurées autour de deux clivages : ethnico-linguistique (minorités et majorité serbe) ; organisationnel (élites provinciales et Belgrade). Il s’agit d’un bastion du DS qui y détient 40,8% des sièges. Une forte progression du SNS signifierait une mainmise politique plus forte de Belgrade, dans une volonté de leadership régional sur l’ex-Yougoslavie et devant l’émergence d’une “yougosphère”. Cependant, un scénario à l’espagnole pourrait enrayer la montée du SNS. Si une forte progression des partis ethniques est constatée, il est probable qu’aucune majorité ne puisse gouverner, ou a minima sans l’accord des partis ethniques attachés au peu de fédéralisme offert par la Constitution de 2006.

Quid de l’UE ? Vučić affirmait : « Ces élections sont un référendum sur la question de savoir si la Serbie veut être un État européen moderne d’ici à 2020 ». Une victoire aux élections confirmerait cette orientation, qui appelle une triple explication. Une explication régionaliste tout d’abord. Le processus d’adhésion de la Serbie à l’UE a commencé par le chapitre 35, consacré à la question du Kosovo. Vučić a accepté d’engager les négociations avec l’UE sur la question du Kosovo, mais se montre catégorique lorsqu’il s’agit de la question de sa reconnaissance. Ainsi, il peut à la fois monopoliser les voix des pro-européens tout en ne vexant pas l’aile souverainiste pour qui la mémoire d’une Grande Serbie est plus importante que la russophilie. Il faut également lire la question européenne à l’aune de la dyarchie entre chef d’état et de gouvernement. Dans un régime semi-présidentiel, où le Président est d’autant plus puissant qu’il est également le fondateur du SNS, on assiste à un retournement avec la montée en puissance de Vučić. La dyarchie est particulièrement visible quant à l’UE : Nikolić s’est prononcé contre l’intégration, Vučić oui. Une victoire électorale signifierait donc une amplification de l’inversion du rapport de force entre chef de l’État et du gouvernement. Enfin, il faut voir la question européenne comme une question de discipline partisane au sein de la majorité au pouvoir. Le Parti Socialiste, actuel allié gouvernemental est pro-russe, et Vučić pourrait aisément s’en passer s’il dispose d’une majorité confortable et ainsi recentrer son parti autour d’une position pro-européenne épurée des positions pro-russes du Président et République et du Parti Socialiste. Les élections anticipées seraient ainsi l’occasion de raffermir la discipline majoritaire autour d’un consensus plus affirmé sur le plan des orientations politiques à tenir.

Les évolutions très marquées et rapides des positions partisanes en Serbie.

Source : Ivica Mladenovic, Zoran Stojiljkovic, « la social-démocratie serbe en transition. Regard de la périphérie », EuroCité, 2015

 

 

 

 

En Russie, un dictateur peut en cacher un autre

Par Amélie GAILLAT

 

L’annonce est tombée vendredi dernier : Ramzan Kadyrov a été officiellement reconduit par Vladimir Poutine à la tête de la République de Tchétchénie. Le président russe a en effet signé un décret permettant à l’actuel président de continuer à exercer le pouvoir par intérim, alors que son mandat doit expirer le 5 avril. Les prochaines élections, n’auront pas lieu avant le mois de septembre, mais le chef d’Etat de la fédération de Russie dit déjà « espérer » que Ramzan Kadyrov se représentera.

 

Cela fait donc bientôt dix ans que l’ancien membre des forces armées pro-russe fait régner un régime de terreur sur le territoire tchétchène. Entre culte de la personnalité, armée privée, humiliations publiques et suspicions d’assassinat, l’homme d’Etat russe s’apparente définitivement à un dictateur. Poulain de Vladimir Poutine qui l’a placé à la tête de la République tchétchène en 2007, il semble aujourd’hui susciter une certaine inquiétude pour son mentor.

 

Ramzan Kadyrov : un ancien indépendantiste à la tête d’un régime pro-russe 

Rappelons tout d’abord que la Tchétchénie fait partie des 22 républiques constitutives qui composent la fédération de Russie. Dirigée par un président, possédant un parlement et sa propre constitution, elle dispose d’une large autonomie.

Cependant, c’est seulement à partir des années 2000 que le territoire situé du Caucase-nord s’est doté d’un régime pro-fédéral. En effet, à la fin des deux guerres d’indépendances, Vladimir Poutine a fait le choix de donner aux forces de l’ordre tchétchènes les moyens de répressions contre les indépendantistes, tout en se gardant la possibilité de les surveiller de plus ou moins loin.

 

Ramzan Kadyrov, donc, c’est avant tout le fils d’Akhmad Kadyrov, au côté duquel il a combattu contre les forces armées Russe au milieu des années 90, pendant la première guerre d’indépendance tchétchène. C’est aussi à ce moment là que son père commença à former autour de sa personne une milice de soldats surentrainés,  les « Kadyrovtsy ». Alors que le clan Kadyrov se rallie à Moscou au début de la seconde guerre de Tchétchénie, Ramzan Kadyrov prend la tête de ces militaires, devenant alors chef exécutif de la sécurité présidentielle. Akhmad Kadyrov, lui, se retrouve au sommet de la République tchétchène entre octobre 2003 et mai 2004, moment où il est tué dans un attentat. Son fils, après avoir été nommé vice-premier ministre à la suite de sa mort, devient officiellement Président de la Tchétchénie le 2 mars 2007, avec la bénédiction de Vladimir Poutine.

 

Aujourd’hui, Ramzan Kadyrov symbolise la stabilité retrouvée de la Tchétchénie. En effet, il a réussit à reconstruire le territoire, meurtrie par deux conflits successifs, tout en luttant contre la menace Islamique, comme en témoigne la levée des opérations antiterroristes en 2009.

Le « Pitbull de Poutine » ou un leader incontrôlable ?

Toujours présenté comme le « digne héritier » du président Russe, Ramzan Kadyrov semble cependant défier de plus en plus régulièrement son autorité.

 

Il semble, au premier abord, agir en suivant la ligne que lui a tracée Vladimir Poutine : il mène une guerre sans répits contre le terrorisme et multiplie les déclarations ventant les louanges du régime fédérale de Russie. Peu importe qu’il fasse le show à la télévision et s’exhibe au volant de sa nouvelle Mercedes : ne reproduit-il pas, tout simplement, les outils de mise en scène que son mentor politique a pu utiliser par la passé ?

 

Cependant, à y regarder de plus près, on s’aperçoit que même le dictateur russe tend à se crisper face aux innombrables dérives totalitaires de son poulain. Cité dans plusieurs affaires d’assassinats d’opposants au régime et instaurant progressivement une société féodale, Ramzan Kadyrov à fait de la Tchétchénie son royaume personnel, sur lequel il fait régner la terreur à l’aide de son armée de “Kadyrovtsy”. Et il exaspère de plus en plus le pouvoir fédéral.

Par exemple, le Président Tchéchène a mise en place ses propres lois islamiques vont tout simplement à l’encontre du principe de laïcité Russe, d’autant plus que celles-ci encouragent la polygamie, pourtant inscrite dans aucun texte d’Etat. Kadyrov a par ailleurs été convoqué par Moscou, lorsque fin décembre 2009, il a déclaré à la télévision des propos particulièrement ambigus : « la Géorgie, l’Ossétie du Sud et l’Ukraine sont des afflictions de la Russie. Nous avons tout, une armée, la technologie. Il faut attaquer. ».  

Enfin, l’année dernière, le Kremlin a du le rappeler à l’ordre, après qu’il ait sommé ses troupes d’ouvrir le feu sur tout soldat russe entrant sur le territoire Tchétchène sans autorisation. Le dirigeant tchéchène a alors du reconnaître publiquement la suprématie de la loi fédérale.

 

Tour ceci expliquerait donc pourquoi, au moment de sa reconduction la semaine dernière, Poutine ait évoqué « le respect des lois russes dans tous les domaines ».

Un équilibre en train de se renverser ?

On peut alors se pourquoi le Président de la fédération de Russie ne finit pas par congédier définitivement Ramzan Kadyrov, si il estime qu’il va trop loin. En réalité, cette option semble désormais très dure à envisager.

 

La Tchétchénie, en tant que République de la fédération de Russie, perçoit des dotations budgétaires de la part de Moscou. Si on s’en tient aux chiffres officiels, ce sont 500 milliards de roubles, soit 10 milliards d’euros qui sont versés chaque année depuis 15 ans. Ceci se relève alors être un levier pour le pouvoir fédéral : la Tchétchénie est obligée de se soumettre aux injonctions sécuritaire de Poutine si elle veut continuer à toucher cet argent. Néanmoins, il faut savoir que Ramzan Kadyrov a développé un réseau financier complexe qui lui permet de se servir directement dans les revenus de la population. En effet, il a créé à la mort de son père la « Fondation Akhmad Kadyrov », un organisme officiellement géré par sa mère et censé financer des projets sociaux. En réalité, la fondation n’est ni plus ni mois que le le compte personnel de Ramzan Kadyrov.

Par conséquent, la Tchétchénie est de moins en moins dépendants des aides financières versées par l’Etat.

 

Kadyrov représente cependant pour Poutine un gage de stabilité politique. C’est en effet grâce à lui que le Président russe a pu, au moins de façon superficielle, pacifier la région du Caucase-nord et ramener un certain équilibre politique et économique sur le territoire. Il ferrait alors tout pour éviter de déclencher une troisième guerre d’indépendance, car il sait que Kadyrov dispose des moyens militaires nécessaire à son lancement. Par conséquent, Poutine continue de lui « accorder sa confiance », malgré les critiques.

 

Finalement, l’élève aurait-il finit par dépasser le maître ?

 

1090 Mots

 

Ensemble des sources utilisées

 

http://www.courrierinternational.com/article/russie-le-president-tchetchene-en-guerre-contre-lopposition-russe

http://www.liberation.fr/planete/2016/01/20/ramzan-kadyrov-homme-lige-de-poutine-ou-franc-tireur-incontrole_1427700

http://www.lapresse.ca/international/europe/201507/09/01-4884193-quand-le-tchetchene-kadyrov-defie-poutine.php

http://www.itele.fr/monde/video/malgre-les-critiques-poutine-reconduit-kadyrov-a-la-tete-de-la-tchetchenie-158884

https://blogs.mediapart.fr/boris-lutte/blog/030715/ramzan-kadirov-fils-adoptif-de-poutine

http://www.canalplus.fr/c-emissions/c-le-supplement/pid6586-l-emission.html?vid=1364771

http://www.interpretermag.com/kadyrovtsy-vladimir-putins-combat-infantry-and-ramzan-kadyrovs-henchmen/

https://fr.sputniknews.com/russie/20080416105175958/

http://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/russie-du-rififi-entre-poutine-et-kadyrov_1674353.html

http://www.altermondes.org/en-tchetchenie-on-torture-pour-garder-les-subventions-de-la-russie/

http://www.rferl.org/content/caucasus-report-chechnya-akhmad-kadyrov-fund/27057288.html

http://www.lexpress.fr/actualites/1/monde/russie-tchetchenie-poutine-reconduit-kadyrov-au-nom-de-la-securite_1777292.html

http://www.lefigaro.fr/international/2009/04/16/01003-20090416ARTFIG00473-la-russie-proclame-la-fin-de-la-guerre-en-tchetchenie-.php

http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2015/05/26/ramzan-kadyrov-dictateur-homme-connecte-et-acteur-parfois-malgre-lui/

http://www.lemonde.fr/europe/article/2007/03/02/ramzan-kadyrov-officiellement-designe-president-de-la-republique-de-tchetchenie_878174_3214.html?xtmc=tchetchenie&xtcr=853

 

Comment l’AfD change le système politique allemand sans accéder au pouvoir ?

Le bonheur des uns a fait le malheur des autres ce 13 mars 2016 lors des élections régionales dans trois Länder allemands. Alors que Frauke Petry, la présidente du parti AfD (Alternative pour l’Allemagne) se félicite d’un « beau dimanche pour l’Allemagne et pour la démocratie », la chancelière, Angela Merkel, et l’establishment allemand le considèrent un séisme politique cauchemardesque. S’appuyant sur un farouche discours anti-immigration, le parti d’extrême droite, qui se dit centre-conservateur, a remporté plus de 12% des voix en Rhénanie-Palatinat, 15% des voix en Bade-Wurtemberg et même 24% des voix en Saxe-Anhalt. Le parti chrétien-démocrate (CDU) ainsi que les sociaux-démocrates (SPD), présidés respectivement par la chancelière et le vice-chancelier, connaissent un recul dans tous les Länder. Il est évident que les électeurs n’ont pas voté pour un programme – dont l’AfD ne dispose pas – mais qu’ils ont voulu plutôt sanctionner la politique d’accueil des réfugiés que poursuit le gouvernement allemand. Les votes protestataires ont sans doute un impact sur les parlements régionaux où « le succès de l’AfD va compliquer la formation des coalitions », estime Nele Wissmann du Comité d’étude des relations franco-allemandes. La question qui se pose néanmoins est celle de l’importance de ces scrutins régionaux pour la vie politique à l’échelle nationale.

Les particularités du fédéralisme allemand donnent une voix aux régions – mais pas à l’AfD 

En Allemagne, les élections régionales sont souvent interprétées comme un baromètre de l’ambiance nationale (Hadley et al. 1989, 95). Outre le côté symbolique, un changement des forces dans un parlement d’Etat fédéré peut s’exprimer concrètement sur la politique nationale à travers plusieurs moyens. Avant tout, la structure fédérale du pays permet aux Länder de légiférer dans quelques domaines tels que l’éducation, la culture et le droit relatif aux autorités de police et à l’ordre public. Grâce à ces compétences, les parlements régionaux, en cas d’opposition au Bundestag, peuvent atténuer certaines lois par leur propre législation.

Par ailleurs, l’Allemagne se caractérise par un bicaméralisme important. « Aucune loi fédérale ne voit le jour sans avoir été préalablement soumise au Bundesrat », la chambre haute du parlement. Les « lois d’approbation » qui constituent aujourd’hui environ 60% des lois intégrales ne peuvent être adoptées sans le consentement du Bundesrat. Sur les autres projets législatifs, la chambre haute se réserve un veto suspensif qui peut être mis en minorité par une majorité au Bundestag. La vraie puissance du Bundesrat se révèle toutefois dans sa composition puisque ses membres sont les exécutifs des Länder : les ministres des Etats-fédérés. Dans les années 50 on affirmait déjà que « ce que tu votes dans l’Etat de la Hesse compte aussi à Bonn, au Bundesrat ». Siégeant de nos jours à Berlin, le Bundesrat fonctionne donc comme un parlement des gouvernements des Länder, ce qui en fait « l’une des plus puissantes chambres hautes du monde » (Lijphart 2012, 194). En théorie, l’AfD pourrait influer sur la politique nationale par ces biais, mais, en pratique, il semble improbable qu’elle puisse accéder au pouvoir régional. Bien que le parti soit représenté dans la moitié des seize parlements régionaux, il ne participe à aucun gouvernement comme « les autres partis ont exclu toute alliance avec lui, et, en Saxe-Anhalt, ses dirigeants excluent également de gouverner ». Il demeure pour l’instant un parti contestataire.

La percée de l’extrême droite provoque la crise des partis attrape-tout

Les résultats des élections régionales ont sans doute choqué les deux « Volksparteien » qui ont traditionnellement visé l’éventail le plus large de la société allemande et ont ainsi dominé le gouvernement fédéral depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui le SPD n’est que quatrième parti en Bade-Wurtemberg et Saxe-Anhalt, où même une « grande coalition » avec la CDU ne suffirait pour gouverner. En ce qui concerne le parti de Merkel, la défaite dans les Länder a creusé des clivages dans son propre camp, apparus depuis sa décision d’accueillir de très nombreux réfugiés l’année dernière. Notamment Horst Seehofer, le chef de la CSU (Union chrétienne-sociale en Bavière) qui agit comme parti frère de la CDU au Bundestag, a critiqué la volonté de la chancelière de continuer sa politique d’accueil en dépit de l’opposition des électeurs. Il a annoncé qu’il renforcerait sa lutte contre la politique d’immigration et que seul un changement d’orientation pourrait prévenir une chute de l’union. De plus, la CSU ne serait contrainte de limiter sa candidature à la Bavière pour toute éternité ce qui mettrait en cause l’alliance entre la CDU et la CSU au niveau fédéral. Cette réaction de Seehofer en tant que ministre-président bavarois n’est pas surprenante puisque son parti est en principe un parti régional qui se sent menacé par l’AfD. D’après des pronostics, celle-ci pourrait obtenir 9% des voix au prochain scrutin en Bavière en 2018 et détrôner la majorité absolue de la CSU. Seehofer ignore cependant que, paradoxalement, les candidats aux élections régionales ayant soutenu la politique de la chancelière ont su défendre leurs positions tandis que les deux candidats de la CDU qui avaient pris leurs distances avec Merkel ont perdu. Scission ou pas, l’AfD a réussi à fragiliser le système des partis au niveau national.

Vers une « normalisation » du système politique allemand ?

Si les élections récentes ont montré une chose, c’est que l’AfD a bel et bien le potentiel pour entrer au Bundestag en 2017. D’un côté, ce serait la fin d’une exception allemande en Europe, jusque-là un pays ayant résisté à la vague populiste en Europe. De l’autre côté, l’Allemagne deviendrait plus « normale » par rapport à ses voisins européens, le Royaume-Uni et la France, où des partis comme UKIP ou le Front National se sont déjà établis. Il faut aussi tenir en compte du fait qu’il existe une sorte de déficit oppositionnel dans le parlement allemand depuis le début de la crise des réfugiés, puisque tous les partis y autorisent l’approche libérale de la chancelière. L’AfD tente de remplir ce vide.

Le mode de scrutin allemand serait également favorable à l’AfD parce qu’il encourage le multipartisme. Le scrutin mixte compensatoire s’apparente à un système de représentation proportionnelle et, malgré un seuil électoral de 5%, la disproportionnalité au Bundestag est très basse (Lijphart 2012, 150). Contrairement au Royaume-Uni, où UKIP n’a qu’un siège au parlement quoiqu’il ait obtenu 12,6% des voix lors des élections en 2015, un tel résultat en Allemagne engendrerait une répartition des sièges plus fidèle à la distribution des votes. Enfin, Arend Lijphart (2012, 75) constate qu’il y a une tendance générale vers un plus grand nombre de partis au sein des parlements. Ainsi, l’entrée de l’AfD dans le Bundestag ne devrait pas être considérée comme un grand bouleversement mais plutôt comme une adaptation graduelle du système politique allemand.

par Daniel Frey

(1117 mots)

Bibliographie :

Hadley, Charles D., Michael Morass, et Rainer Nick. “Federalism and Party Interaction in West Germany, Switzerland, and Austria.” Publius 19, 4 (1989): 81-97. Imprimé.

Lijphart, Arend. Patterns of Democracy: Government Forms and Performance in Thirty-six Countries. 2e édition. New Haven: Yale University Press, 2012. Imprimé.

Sitographie : 

http://www.lemonde.fr/international/article/2016/03/15/frauke-petry-le-probleme-d-angela-merkel_4882813_3210.html

http://www.lemonde.fr/europe/article/2016/03/14/l-essor-du-parti-d-extreme-droite-afd-change-l-architecture-du-systeme-politique-allemand_4882638_3214.html

http://www.lemonde.fr/europe/article/2016/03/13/en-allemagne-l-extreme-droite-inflige-une-defaite-sans-precedent-a-angela-merkel_4882064_3214.html

http://www.lemonde.fr/europe/article/2016/03/13/allemagne-les-cles-pour-comprendre-les-elections-regionales_4881928_3214.html

http://www.ft.com/cms/s/0/ca52b21a-e940-11e5-888e-2eadd5fbc4a4.html#axzz44CrVjUVx

http://www.theguardian.com/world/commentisfree/2016/mar/14/the-guardian-view-on-germanys-regional-elections-yellow-card-for-merkel

http://www.theguardian.com/commentisfree/2016/mar/14/germany-election-result-warning-merkel-far-right-afd

http://www.zeit.de/politik/deutschland/2016-03/angela-merkel-horst-seehofer-cdu-csu

http://www.faz.net/aktuell/politik/inland/csu-nach-den-landtagswahlen-seehofer-spuert-den-boden-schwanken-14123547.html

http://www.theguardian.com/commentisfree/2016/mar/14/germany-election-result-warning-merkel-far-right-afd

http://www.bbc.com/news/election/2015/resultshttp://www.bbc.com/news/election/2015/results

http://www.bundesrat.de/FR/funktionen-fr/gesetzgebung-fr/gesetzgebung-fr-node.html

 

En Finlande, le « pacte social » face au modèle social

Le 29 mai 2015, Juha Sipilä est nommé Premier ministre. Il propose rapidement un « pacte social » entre syndicats et patronat pour doper la compétitivité du pays. Bien que Sipilä aime à se présenter comme un dirigeant neuf (il n’est entré en politique qu’en 2011), une telle mesure n’a rien de novatrice : depuis les années 1960, le gouvernement finlandais a souvent servi d’intermédiaire entre partenaires sociaux pour aboutir à des réformes économiques et sociales. Mais un an plus tard, en mars 2016, le fameux « pacte social » n’a toujours pas abouti, et le gouvernement en est à sa cinquième (sic) tentative de réforme. Qu’est-ce qui bloque une telle mesure ? Pourquoi la Finlande n’aboutit-elle pas à un accord ?

En fait, deux légitimités s’affrontent : celle d’un gouvernement majoritaire au Parlement renouvelé démocratiquement l’an dernier, et celle de syndicats qui représentent effectivement la majorité du pays (n’oublions pas que les syndicats finlandais comportent en leur sein de nombreux étudiants ou retraités par exemple).

Deux légitimités distinctes, deux pouvoirs déterminés

La détermination du gouvernement finlandais semble être à toute épreuve, et ce, malgré un contexte économique morose : le chômage est à 10 %, la croissance est quasi-nulle depuis quatre ans, et le modèle finlandais d’État-providence égalitaire est dès lors difficile à préserver pour un pays de l’Union Européenne avec la plus mauvaise conjecture économique, Grèce exclue. Il faut toutefois dire que les hommes politiques finlandais, anciens « donneurs de leçons » aux pays du Sud, sont très clairs sur la situation économique de leur pays : Alexander Stubb, ministre des Finances qualifie son pays « d’homme malade de l’Europe ».

Mais le fait le plus étonnant est sans doute celui-ci : face à une réforme du travail qui n’aboutit toujours pas au bout de dix mois, le gouvernement de coalition (composés de trois partis) tient toujours. Certes, certains députés du Parti de la coalition nationale (deuxième parti au Parlement) ont fait entendre à maintes reprise leurs désaccords sur les différentes ébauches de pactes ; mais les critiques qui en émanaient concernaient un accord qu’ils n’estimaient pas assez ambitieux et trop favorables aux travailleurs. En résumé, les trois partis de la coalition ne se sont pas déchirés : le « pacte social » est toujours soutenu par le gouvernement, et cela montre bien la force et la capacité d’action du gouvernement finlandais. Bref, le gouvernement ne cèdera pas.

Que les syndicats aient la volonté de s’opposer au pacte, cela va de soi, puisque les mesures souhaitées par le gouvernement concernent la remise en cause d’acquis pour les travailleurs. Mais les syndicats disposent aussi de la légitimité et de la capacité de tenir tête au gouvernement, puisque les syndicats sont de réels acteurs de la démocratie finlandaise. Dans ce pays, les trois-quarts des travailleurs sont syndiqués et la SAK, la principale centrale syndicale, rassemble un cinquième de la population totale du pays. Signes que les syndicats comptent et sont pris en compte dans le processus démocratique : le 2 février, le gouvernement a bien précisé que les négociations étaient « bipartites » ; en mars, confronté à des négociations tournant à nouveau au ralenti, le Premier ministre a tenté de relancer les tractations en confirmant n’avoir aucun « plan B » en cas d’absence d’accord. Ainsi, les syndicats apparaissent comme une vraie opposition au « pacte social ».

Des acteurs hors de leur rôle ?

En fait, il semble que ces deux instances, le gouvernement et les syndicats, ne répondent pas aux fonctions traditionnelles qui sont les leurs dans le modèle social finlandais. Le gouvernement, d’abord, est plus partie prenante qu’arbitre : le « pacte social » a tout l’air d’une véritable mesure gouvernementale. La baisse du coût du travail est un objectif économique du gouvernement et cette « dévaluation interne »  s’inscrit dans la lignée de l’austérité qu’ont pratiquée divers gouvernements finlandais depuis la crise. Le « pacte social » est plus une « loi » qu’un accord car, pour relancer les négociations en début d’année, le gouvernement a clairement fait entendre que si les syndicats et le patronat ne s’entendait pas, le Parlement voterait les préparatifs d’un paquet de lois, qui comprendrait entre autres la baisse des congés payés annuels et une diminution de moitié des heures supplémentaires. Si l’opposition gouvernementale a estimé, par la voix de la présidente du groupe social-démocrate, que « la menace du paquet de lois afin d’améliorer la compétitivité-coût a été un frein pour un accord », il n’empêche que le retrait de cet ensemble de lois est surtout dû à de nombreux juristes qui ont considéré ces mesures comme anticonstitutionnelles… et que cette menace semble avoir fonctionné.

Mais le gouvernement n’est pas le seul en cause : rarement les syndicats ont autant politisé l’« affaire ». Les points de désaccord sont avant tout politiques : les syndicats sont opposés à toute législation cadre, et en février, la SAK a affirmé refuser tout pacte si le gouvernement soumettait les accords à la législation. Sans réelles avancées, les syndicats ont aussi demandé en mars au gouvernement d’alléger la fiscalité et d’annuler ses projets d’économies, en contrepartie de la baisse du coût du travail à laquelle les travailleurs consentiraient.

Autre exemple de politisation de l’affaire par les syndicats : la présidente du syndicat PAM (plus gros syndicat de la SAK) disait bien qu’elle avait été mise en minorité par la base du syndicat non pas parce que ses membres étaient opposés au pacte, mais parce qu’ils ne faisaient pas confiance au gouvernement. Plus tard, le représentant du principal syndicat des professionnels de la santé affirmait qu’« il est devenu clair qu’une partie des syndicats de la SAK font encore de la politique ». Comme pour illustrer cette politisation, le projet de fusion entre deux centrales syndicales, la SAK et la STTK, a échoué non pas en raison d’un désaccord sur le pacte lui-même, mais d’un désaccord sur la forme de la négociation : la STTK était en effet d’accord pour négocier dans l’immédiat, tandis que la SAK désirait ralentir au maximum les négociations pour bloquer le gouvernement.

Vox populi, vox dei

La réforme est bloquée, et ce, alors que le pacte social semble faire relativement consensus : là est le véritable paradoxe. Depuis 2007, le coût du travail a effectivement augmenté du 20 %, et selon un récent sondage, 68 % des Finlandais considèrent que la meilleure façon de rehausser la compétitivité de leur économie serait de renoncer à toute hausse de salaire pour l’année. Plus révélateur encore : seulement 6 % des personnes interrogées affirme qu’aucune des solutions proposées n’est à accepter.

Dix mois après son annonce, le « pacte social » n’a donc toujours pas été ratifié. Dans cette situation, l’avantage est cependant au gouvernement : si dans les dix prochains mois il ne parvient toujours pas à faire s’entendre patronat et syndicats, il pourra au moins d’ici là tirer les conclusions des premières expérimentations du revenu de base.

Romain FORESTIER

1168 mots

L’Afd, une alternative en trompe-l’œil ?

Des élections législatives régionales ont eu lieu le 13 mars dernier dans trois Länder allemands : le Bade-Wurtemberg, la Rhénanie-Palatinat et  la Saxe Anhalt. Ces scrutins qui faisaient office de préparation à l’élection de 2017, ont surtout été le moyen pour les allemands d’exprimer leur mécontentement vis à vis de la politique migratoire de l’inoxydable chancelière allemande Angela Merkel.

Fatigués par les incidents liés à l’arrivée des refugiées comme celui de Cologne en début d’année, les électeurs se sont tournés vers l’Afd qui s’autoproclame l’ « Alternative pour l’Allemagne ». Ce parti situé à droite de l’échiquier politique, se définit comme conservateur même si on peut le voir plutôt comme un parti populiste. Certains diront que c’est un populisme « bon teint » pour en atténuer la teneur, mais il est indéniable que ce parti représente la matérialisation allemande de la montée des extrêmes en Europe. Alors, véritable séisme politique ou simple feu de paille ? Sans minimiser l’ampleur du phénomène, l’ancrage de l’Afd dans le système politique allemand ne semble pas tout à fait couler de source.

La fin de l’exception allemande

 Jusqu’ici, probablement à cause du lourd poids de l’Histoire, les allemands s’étaient refusés à voter pour un parti populiste de droite mais le résultat de ces élections régionales est sans appel. Le tabou de l’extrême droite a sauté. Deuxième en Saxe Anhalt avec 24,1 % des voix, l’Afd obtient également de très bons scores dans le Bade-Wurtemberg (15,1%) et en Rhénanie-Palatinat (12%). C’est une poussée voire même une percé d’autant plus que la participation a été très forte (70,4%).

Bien que lié à une politique conjoncturelle et traditionnellement impopulaire qu’est l’accueil des migrants, ce vote est aussi un véritable revers pour les partis traditionnels. En effet, la leader de l’Afd Frauke Petry dénonce le « cartel des partis »  et leur reproche d’être interchangeables. En effet, la logique de coalition débouche sur des résultats parfois étranges et peu représentatifs.  En 2013 ; malgré une victoire sans appel, le CDU à droite a été obligé de s’allier aux sociaux démocrates du SDP car le FDP n’avait pas franchi le seuil des 5%.  Le parti populiste s’oppose à ces compromis qui dénaturent les clivages et rejette dans les 3 Länder concernés par les élections, les pourparlers avec la CDU. C’est ainsi tout le système politique et institutionnel de l’Allemagne qui est mis en cause par l’Afd qui souhaite nouer un lien plus direct avec le peuple. En témoigne sa volonté de faire plus de référendum. Autre effet pervers des coalitions : le manque de compétition entre les partis qui ne se confrontent pas politiquement. Trop de retenue et de centrisme débouchent sur la montée des extrêmes.

A terme, grâce au système du double vote allemand, l’Afd pourrait entrer au Bundestag en 2017 si le parti franchit la barre des 5% d’électeurs. Depuis 1949, aucun parti d’extrême droite n’a siégé au parlement.

Une défaite qui ne change rien ?

 Toutefois, la défaite de Merkel est à relativiser. Cette dernière a qualifié le 13 mars de « journée difficile » mais n’a pas décidé de modifier sa ligne politique.

La position de Merkel n’est pas nécessairement fragilisée par ce résultat. Si son parti le CDU a subi un revers de grande ampleur, le message envoyé par les électeurs est ambigu. Les candidats de la CDU qui ont perdus, Julia Klockner et Guido Wolf, ont publiquement critiqués Angela Merkel.  La sanction semble ainsi ne pas seulement être dirigée vers la chancelière. Une analyse plus en profondeur des résultats montre une réalité politique bien plus complexe que les résultats à première vue pouvaient laisser paraître. Les voix récoltées par le SPD ou les Verts, qui soutiennent contre vents et marées la politique migratoire d’Angela Merkel, peuvent être perçus comme une victoire pour la chancelière. Or, les Verts sont arrivés en tête dans le Bade-Wurtemberg (30,3%) tout comme le SPD en Rhénanie-Palatinat (36,2%). C’est pour cela notamment que l’hebdomadaire allemand Der Spiegel titrait en une le lendemain des élections « Législatives, la victoire d’Angela Merkel ». Par ailleurs, il est intéressant de noter que les ministres présidents sont restés les mêmes dans les trois Lands. Cette ambigüité traduit une certaine volatilité des votes avec des électeurs divisés et segmentés. Politiquement et pragmatiquement parlant, cette soi-disant défaite renforce les chances d’Angela Merkel d’être réélu chancelière en 2017.

D’autre part, Certains points nous amènent à douter de la véritable capacité de l’Afd à s’imposer. Tout d’abord, l’absence de programme politique. Cela peut sembler surréaliste mais le parti d’extrême droite a prévu de se doter d’un véritable programme politique seulement en avril prochain. C’est aussi un mouvement qui se fonde sur une problématique conjoncturelle : la crise des réfugiés en Allemagne. Celle ci réglée, l’Afd perdrait la majorité de ses électeurs et de son soutien. Enfin, c’est un parti jeune crée en 2013 et qui va devoir gérer une notoriété et une influence plus grande alors que la ligne idéologique n’est même pas clairement définie. Le risque de querelles intestines paraît élevé.

Autrement dit, la poussée de l’Afd est révélatrice d’une véritable crise identitaire en Allemagne. Au niveau sociétale, les allemands sont bouleversés par l’arrivée des refugiés. Au niveau politique, les coalitions font perdre leur sens au termes « clivages » et « opposition ». Ces difficultés à la fois conjoncturelles et systémiques font le jeu des extrêmes. Néanmoins, la Constitution allemande prévient tout risque de prise de pouvoir de partis non démocratiques. En effet, l’article 21 de la loi fondamentale allemande de 1949 affirme que les partis politiques doivent  « respecter la structure libre et démocratique de la République fédérale d’Allemagne ». Si un jour, le parti d’extrême droite que constitue l’Afd décide de se déclarer comme une alternative à la démocratie, il pourrait être interdit.

En résumé, ce que traverse politiquement l’Allemagne paraît être normal voire banale pour  un pays européen. Comme les autres, son fonctionnement politique est critiqué. Comme les autres, elle fait face à une montée de l’extrême droite. Comme les autres, elle va devoir la combattre.

1010 mots

http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/03/16/le-perdant-rafle-la-mise_4883872_3232.html

http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20160314.OBS6364/allemagne-jamais-l-extreme-droite-n-avait-atteint-un-score-si-eleve-depuis-1949.html

http://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/021770862903-afd-lovni-populiste-qui-secoue-le-paysage-politique-allemand-1207791.php

 

 

 

Impotence of Hollande or impotence of a system?

We are living in difficult times. After some years of some tranquility, where ideologies and systems of social organization have spread across the continents, some new and old conflicts have arisen and threaten this new order. For what concerns to us here, the emerge of terrorism in the societies of Europe, in addition to the horror that provokes, becomes a fact that puts in test the political systems of these countries and its capacity to confront and adapt to difficult circumstances, as well as its capacity to keep on being and functioning as a system that responds to the necessity and desire of its people. So specifically, we’ll discuss the acts of terrorism that have harmed France and the responses of its government these last months.

Since January 7th to November 13th 2015, France has suffered several terrorist attacks in its territory. Even when some of them have been frustrated, 6 attacks have caused 148 victims. The last of these attacks was the most terrible: Friday 13th 7 terrorists inflict 7 attacks in Paris that killed 129 persons and left 99 fatal wounded. In words of the French press: “C’est l’attaque terroriste la plus grave en France depuis la Seconde guerre mondiale, et la première fois qu’ont lieu des attentats suicide” (1).

November 16th, 3 days after, François Hollande, the president of France, calls for a reunion of the parliament in Versailles to make a revision of French’s constitution in order to settle a state of emergency in the country and to evaluate the possibility of deprivation of French nationality to the French terrorists with dual nationality.

Hollande declares to the world that France is at war. So these critic circumstances demand to the state the capacity to act differently. And for this, he wants to modify specifically two articles in the constitution: “The changes would concern article 36, which allows the government, in the event of a “state of siege”, to transfer powers to military authorities in the event of an attack or an armed insurrection, as well as article 16, which allows the presidency to grant itself “exceptional measures” when France’s institutions or territory are confronted with a “serious and immediate” threat”. (2)

He says, “neither article was adapted to the situation we are facing, because the regular functioning of public powers is not interrupted and it is not conceivable to transfer power to the military. And yet, we are at war.” (3)

On the other hand, as more symbolic but not least import measure, the president wants to discuss the deprivation of nationality due to the fact that for international conventions and other laws in the constitution it is not possible to revoke the French nationality to some of the people convicted of terrorism or crimes against the state of French citizenship. As there are a lot of dual citizens in France and for some people they are not totally committed to the country, this measure aims also to reassure and be a call for the union of French people.

However, these days the president Hollande has declared that he will abandon this attempt to apply the changes to the constitution in spite of his own desire. Four months of debates and conflicts have ended with what is called a defeat of the government. So at this point we could say that if it‘s true that these measures would have being a great mechanism to face the urgencies that affect the France, and if also French people supported them, then the political system of the country is going against the interests and necessities of its own people.

For this reform to be effective, the president needed the support of the republicans, the opposite and other strong party in the parliament. They would have given him the two-thirds majority required for constitutional changes to pass. The senate and the lower house needed to agree also. But finally they didn’t work the consensus out, and Hollande decided to close the debate.

For some people, this is one of the greatest defeats in Hollande’s government and a sign of impotence to do what it takes. In the newspaper Le Monde we can read that at the end it was just a show of: “quatre interminables mois de ping-pong entre l’Assemblées, de positionnements tactiques autant qu’idéologiques à droite comme à gauche, et de débats qui, paradoxalement, ont laissé de marbre une opinion pourtant très majoritairement favorable à la mesure la plus contestée, contenue dans l’article  2 : celle étendant la déchéance de nationalité aux binationaux nés français (4).

The official party blames the opposition, but even some people from the official party were against the measure and were also responsible for the lack of consensus. Anyway, the point is that time, efforts and resources have been invested for nothing and the decisions that aimed to make a country better prepared to face critic circumstances couldn’t become reality.

This situation serves to meditate one of the limitations of a political system. We know that on the other hand it can be said that the same mechanism that frustrated this tentative are helpful to avoid to excessive concentration of power or some crazy decisions that would affect the interest and necessities of the people of the country, but when we analyze this issue we can still find that the system keeps allowing the possibility to carry out other measures that still go against the people (the law of employment, for example).

We can dare to say that the argument of avoiding a concentration of power doesn’t really makes true sense because the power always find a way to concentrate, and if it is not public then it is hidden. Democracies keep struggling against this that some people denominate factual powers, and counties and governments keep on finding them-self’s unable to do what people want them to do and unable to counteract what people don’t want. This topic that occurs just in time with the law of employment reflects this paradox: one decision that people fight to avoid in the streets is still taken into account by the system, but another decision that had support by people is set apart.

By Geno Figueroa

Words: 1025

Sources:

 

Les attentats de Bruxelles : le gouvernement belge y survivra-t-il ?

La capitale belge a été frappée mardi 22 mars par deux attentats, faisant au moins 35 morts et plus de 340 blessés, revendiqués par l’Etat Islamique. Deux des kamikazes ont été identifiés, Khalid et Ibrahim El Bakraoui, jeunes citoyens belges déjà recherchés dans le cadre de l’enquête portant sur les événements du 13 novembre à Paris. L’aîné, Ibrahim, connu des services de renseignements belges, hollandais, français et turcs, avait été arrêté en juin 2015 en Turquie, à la frontière syrienne, puis expulsé en Belgique, où il aurait été remis en liberté. Cette remise en liberté sans condition ni suivi octroyée par les services de sureté belge, est qualifiée de « faute impardonnable » par le président turc Recep Tayyp Erdogan, lors d’un cinglant discours prononcé le lendemain des faits à Ankara. A la suite de la médiatisation des erreurs du gouvernement et des services de sûreté belges, le ministre de l’intérieur Jan Jambon et le ministre de la justice Koen Geens, somme toute les plus impliqués dans l’affaire, engagent leur responsabilité politique en remettant leur démission au premier ministre Charles Michel, qui les a refusées temporairement. Lors de la cérémonie d’hommage aux victimes devant le Parlement et en présence du couple royal, les mines sont graves, les visages fermés. La Belgique, mutilée par des crises politiques successives, est en train de vivre son affront le plus virulent et son gouvernement risque cette fois-ci de ne pas y résister.

UN PAYS SCANDE PAR LES CRISES

La Belgique connait bien les crises politiques. Pays multiculturel, côtoyant Flamands et Francophones, la Belgique est caractérisée par une instabilité politique latente que cette division culturelle rend inévitable. Le scrutin proportionnel plurinominal dont est caractérisée la formation parlementaire fédérale n’entraine pas la distinction nette d’une majorité et amène les partis à se coaliser afin de former un gouvernement[1]. Nous sommes bien loin des cas français et anglais de formation gouvernementale issue de la majorité parlementaire. En 2011, il aura fallu attendre 541 jours entre la démission du gouvernement Leterme II et la formation du gouvernement Di Rupo pour que ce dernier puisse trouver une coalition apte à se former, constituant la plus longue crise politique que l’Europe contemporaine n’ait jamais connue. La vie politique belge est donc profondément marquée par des difficultés d’alliance et de cohésion, rendant son action lente et inefficace. Le prisme est bien trop large. Le gouvernement actuel, mené par le Premier Ministre Charles Michel, francophone libéral membre du Mouvement Réformateur (MR), a été formé à la suite des élections fédérales du 25 mai 2014, après toutefois 135 jours d’attente. Il s’agit d’une très vaste coalition de droite regroupant libéraux (Open VLD et MR, seul parti francophone de la coalition), démocrates-chrétiens flamands (CD&V) et nationalistes flamands (N-VA[2]). Cette coalition exclut par ailleurs le Parti Socialiste francophone, à la tête du pays depuis 1988, faisant de ce dernier la principale opposition politique du pays. En associant trois partis flamands, dont le N-VA qui a longtemps milité pour un éclatement radical de la Belgique, avec un seul parti francophone, cette coalition inédite et sulfureuse ne donne pas toutes les garanties d’une solidité sans faille. C’est pour cette raison qu’elle fût surnommée d’« asymétrique » ou encore de « kamikaze ».

LA NECESSITE D’UNE UNION POLITIQUE

Face aux récents événements terroristes, le gouvernement belge doit agir, mais en est-il vraiment capable ? La composition d’un gouvernement instable et proprement désuni semble anticiper et prévoir l’incapacité de ce dernier à surmonter une crise internationale qui touche la Belgique une nouvelle fois, depuis l’affaire Mehdi Nemmouche du 24 mai 2014.

Une trêve politique a pourtant été instaurée dès le lendemain des attentats, perçue comme un début d’apaisement et de cohésion politique. Mais cette trêve fût de courte durée avec l’annonce fracassante trois jours après les faits des démissions des ministres clés du gouvernement belges, tous deux impliqués dans les erreurs des services de sûreté et de renseignements. La démission des ministres aurait vraisemblablement entraîné celle de la coalition de M. Michel, d’où le fait que ce dernier les ait refusé de manière temporaire, évitant ainsi la déstabilisation de son équipe. Quelques heures après ces annonces houleuses, Laurette Onkelinx, ancienne vice-premiere ministre belge et député PS, membre influente de l’opposition, a déclaré qu’ils avaient « cassé le deuil national » et qualifie leurs actes d’ « indécents » en cette période sombre. Ces démissions hâtives tout comme les réactions à ces dernières ne font que vérifier le caractère instable du système politique belge et l’incapacité de trouver compromis et concorde.

Désormais, le gouvernement n’a pas d’autre choix que de définir les responsabilités précises et de corriger les dysfonctionnements, tout en réinstaurant la confiance dans les institutions du pays. Cette reprise de confiance passe par une commission d’enquête parlementaire afin de comprendre, analyser et corriger, exercice douloureux mais primordial dans un contexte où transparence et clarté sont indispensables. Il en va de la crédibilité du gouvernement et des services de renseignements belges, trainés dans la boue depuis les événements, notamment par la communauté internationale. Cette commission d’enquête met en cause les deux ministres ayant demandé leur démission, Jambon et Geens, mais également le ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders. En effet, il semble invraisemblable que des informations n’aient pas transité depuis les ambassades belges. Le risque de chute du gouvernement est donc potentiel et fortement envisageable.

CONCLUSION

Ainsi, les tragiques évènements survenus à Bruxelles la semaine dernière ne font que mettre en exergue une des caractéristiques centrale du système politique belge : l’instabilité. Pays européen où ce terme y est le plus familier, la Belgique est mutilée par ce fléau politique, qui l’empêche comme nous l’observons de faire face à des crises majeures, nécessitant cohésion et unité. La Belgique ne semble pas apte à surmonter les enjeux du monde contemporain tout en restant enlisé dans son uniformité politique.

Valentin Faye

 

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[1] Delpérée Francis, Revue du droit public et de la science politique en France et à l’étranger, Belgique, la double crise, 2008, Volume t.124, Numéro n°6, pp. 1563 – 1579

[2] Open VLD : Open Vlaamse Liberalen en Democraten, CD&V : Christen-Democratisch en Vlaams, N-VA : Nieuw-Vlaamse Alliantie