L’organisation étatique de l’Espagne qui englobe 17 Communautés Autonomes jouie d’un degré d’autonomie politique en exerçant toutes des pouvoirs législatifs et exécutifs. Ce modèle ambigu permet de répondre davantage aux aspirations nationales de certains territoires comme le Pays Basque et la Catalogne. La réforme menée entre 2003 à 2006 du statut de la Catalogne symbolise ainsi la dernière tentative d’amélioration du modèle vers le sens espéré. Néanmoins depuis 2010, un processus de désaffectation à l’égard de l’Etat espagnol est de plus en plus prenant. De nombreux mouvement, manifestations telle que la chaîne humaine organisée en Catalogne ou encore le mouvement du 15-M expriment ainsi l’indignation d’une partie de la population par rapport à la situation économique, sociale et politique du pays.
A l’image des slogans demandant un retour à plus de démocratie, la notion du « droit de décider »[1] s’inscrit également dans les mouvements indépendantistes. Le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes reste un principe international selon lequel chaque peuple dispose d’un choix libre et souverain de déterminer la forme de son régime. Néanmoins ce principe rentre en conflit avec la souveraineté nationale de l’Espagne et internationale.
« En Espagne, les référendums d’autodétermination ne peuvent pas être organisés au niveau national, car ils relèvent de la compétence exclusive de l’Etat »[2].
En effet comme le modèle du référendum sur l’indépendance de l’Ecosse de septembre 2014, le président de la Generalitat de la Catalogne qui est Artur Mas a décidé de consulter la population catalane sur la question de l’indépendance de la région. Le 27 septembre 2014, le président catalan signe ainsi le décret officialisant la tenue du référendum. Le 29 septembre 2014, le gouvernement s’oppose à celui-ci et Artur Mas suite à la pression, renonce à organiser un référendum mais propose une consultation citoyenne. Le 9 novembre 2014 se tient la consultation formulée en deux questions :
- Voulez-vous que la Catalogne devienne un Etat ?
- En cas de réponse affirmative, voulez-vous que cet Etat soit indépendant ?
Sur un total de 2 305 290 voix décomptés pour 7 565 603 habitants dans la région, le Oui l’a emporté à 80, 76% et le taux de participation est estimé entre 36% et 41%. Ces résultats restent néanmoins mitigés dans la mesure où l’abstention est importante. De plus, aucune instance n’est venue contrôler le vote et seuls les Catalans résidants en Catalogne ont été appelés à voter.
On peut néanmoins se demander si ce vote a une valeur légale en Espagne ? La réponse dans ce cas, est négative car même si le vote est défini comme une « consultation » sous l’autorité du gouvernement de Catalogne, le Tribunal constitutionnel d’Espagne l’a suspendue. Le mercredi 25 février, le Tribunal constitutionnel espagnol qui correspond au Conseil constitutionnel a ainsi confirmé à l’unanimité la « suspension » par un tribunal en septembre, la consultation de l’indépendance de la Catalogne. Il a ainsi déclaré que les référendums d’autodétermination ne pouvaient être organisé au niveau régional. « L’arrêt annule les dispositions qui régulent la convocation par la Generalitat de Catalogne de consultations de nature générale en considérant qu’en réalité sous cette dénomination elle réglemente des référendums, qui sont de la compétence exclusive de l’Etat ». Effectivement, la principale différence entre la notion de communautés autonomes et l’Etat réside dans le fait que les communautés autonomes espagnoles ne disposent pas de l’indépendance judiciaire.
Ce qui a toutefois ravivé le débat sur l’indépendance de la Catalogne puisque Mariano Rajoy a déclaré qu’il s’attend à un rapide retour du débat sur l’indépendance[4]. Il espère toutefois que le gouvernement catalan va respecter la décision de justice même s’il n’approuve pas la finalité de celle-ci. Il ajoute que « ce qui est important dans une démocratie, c’est que tous les gouvernements se conforment à la loi afin de ne pas envoyer un mauvais message aux citoyens ». Le premier ministre a ainsi défendu le rôle de l’exécutif qui est de préserver le respect de la loi et plus particulièrement les décisions de la Cour constitutionnelle.
La présidente du Parti Populaire catalan Alicia Sanchez Camacho a exigé la démission d’Artur Mas après que le Tribunal constitutionnel a déclaré illégal la consultation catalane, représentant pour elle « un grand échec politique » car aucun dirigeant est autorisé à agir en dehors de la loi et à adopter une attitude antidémocratique.
Artur Mas quant à lui déclare que « c’était l’unique moyen de se référer au peuple » après avoir essayé de dialoguer et de trouver des consensus avec le gouvernement. [5] Il estime malgré tout que le 27-S (27 septembre 2014) reste un moyen légal et démocratique afin de savoir si les catalans veulent toujours cohabiter avec le reste de l’Espagne.
Alors que l’Espagne fait face à un renouveau dans le paysage politique avec la croissance du parti Podemos[6] qui devient la deuxième force politique du pays, les dissensions entre la Catalogne et le gouvernement semble confirmer le désaveu des citoyens envers la classe politique (Mouvement des indignados de 2011). El pais en déduit ainsi que les votes ne sont pas « idéologiques » mais de « rejet ou de punition face aux autres alternatives ».
Nita SHAMLI
[1] La Catalogne sur le chemin de l’indépendance ? Paul Alliès et Joan Marcel
[2] http://abonnes.lemonde.fr/europe/article/2015/02/25/l-interdiction-du-referendum-catalan-confirmee-par-le-tribunal-constitutionnel-espagnol_4583174_3214.html
[3]http://politica.elpais.com/politica/2015/02/25/actualidad/1424855236_834297.html
[4] http://www.elmundo.es/espana/2015/02/25/54edc217e2704e41568b4572.html
[5] http://www.elmundo.es/cataluna/2015/02/25/54edc583e2704ee0538b4598.html
[6] http://www.courrierinternational.com/article/2015/02/05/podemos-deuxieme-force-politique-du-pays