En Russie, un dictateur peut en cacher un autre

Par Amélie GAILLAT

 

L’annonce est tombée vendredi dernier : Ramzan Kadyrov a été officiellement reconduit par Vladimir Poutine à la tête de la République de Tchétchénie. Le président russe a en effet signé un décret permettant à l’actuel président de continuer à exercer le pouvoir par intérim, alors que son mandat doit expirer le 5 avril. Les prochaines élections, n’auront pas lieu avant le mois de septembre, mais le chef d’Etat de la fédération de Russie dit déjà « espérer » que Ramzan Kadyrov se représentera.

 

Cela fait donc bientôt dix ans que l’ancien membre des forces armées pro-russe fait régner un régime de terreur sur le territoire tchétchène. Entre culte de la personnalité, armée privée, humiliations publiques et suspicions d’assassinat, l’homme d’Etat russe s’apparente définitivement à un dictateur. Poulain de Vladimir Poutine qui l’a placé à la tête de la République tchétchène en 2007, il semble aujourd’hui susciter une certaine inquiétude pour son mentor.

 

Ramzan Kadyrov : un ancien indépendantiste à la tête d’un régime pro-russe 

Rappelons tout d’abord que la Tchétchénie fait partie des 22 républiques constitutives qui composent la fédération de Russie. Dirigée par un président, possédant un parlement et sa propre constitution, elle dispose d’une large autonomie.

Cependant, c’est seulement à partir des années 2000 que le territoire situé du Caucase-nord s’est doté d’un régime pro-fédéral. En effet, à la fin des deux guerres d’indépendances, Vladimir Poutine a fait le choix de donner aux forces de l’ordre tchétchènes les moyens de répressions contre les indépendantistes, tout en se gardant la possibilité de les surveiller de plus ou moins loin.

 

Ramzan Kadyrov, donc, c’est avant tout le fils d’Akhmad Kadyrov, au côté duquel il a combattu contre les forces armées Russe au milieu des années 90, pendant la première guerre d’indépendance tchétchène. C’est aussi à ce moment là que son père commença à former autour de sa personne une milice de soldats surentrainés,  les « Kadyrovtsy ». Alors que le clan Kadyrov se rallie à Moscou au début de la seconde guerre de Tchétchénie, Ramzan Kadyrov prend la tête de ces militaires, devenant alors chef exécutif de la sécurité présidentielle. Akhmad Kadyrov, lui, se retrouve au sommet de la République tchétchène entre octobre 2003 et mai 2004, moment où il est tué dans un attentat. Son fils, après avoir été nommé vice-premier ministre à la suite de sa mort, devient officiellement Président de la Tchétchénie le 2 mars 2007, avec la bénédiction de Vladimir Poutine.

 

Aujourd’hui, Ramzan Kadyrov symbolise la stabilité retrouvée de la Tchétchénie. En effet, il a réussit à reconstruire le territoire, meurtrie par deux conflits successifs, tout en luttant contre la menace Islamique, comme en témoigne la levée des opérations antiterroristes en 2009.

Le « Pitbull de Poutine » ou un leader incontrôlable ?

Toujours présenté comme le « digne héritier » du président Russe, Ramzan Kadyrov semble cependant défier de plus en plus régulièrement son autorité.

 

Il semble, au premier abord, agir en suivant la ligne que lui a tracée Vladimir Poutine : il mène une guerre sans répits contre le terrorisme et multiplie les déclarations ventant les louanges du régime fédérale de Russie. Peu importe qu’il fasse le show à la télévision et s’exhibe au volant de sa nouvelle Mercedes : ne reproduit-il pas, tout simplement, les outils de mise en scène que son mentor politique a pu utiliser par la passé ?

 

Cependant, à y regarder de plus près, on s’aperçoit que même le dictateur russe tend à se crisper face aux innombrables dérives totalitaires de son poulain. Cité dans plusieurs affaires d’assassinats d’opposants au régime et instaurant progressivement une société féodale, Ramzan Kadyrov à fait de la Tchétchénie son royaume personnel, sur lequel il fait régner la terreur à l’aide de son armée de “Kadyrovtsy”. Et il exaspère de plus en plus le pouvoir fédéral.

Par exemple, le Président Tchéchène a mise en place ses propres lois islamiques vont tout simplement à l’encontre du principe de laïcité Russe, d’autant plus que celles-ci encouragent la polygamie, pourtant inscrite dans aucun texte d’Etat. Kadyrov a par ailleurs été convoqué par Moscou, lorsque fin décembre 2009, il a déclaré à la télévision des propos particulièrement ambigus : « la Géorgie, l’Ossétie du Sud et l’Ukraine sont des afflictions de la Russie. Nous avons tout, une armée, la technologie. Il faut attaquer. ».  

Enfin, l’année dernière, le Kremlin a du le rappeler à l’ordre, après qu’il ait sommé ses troupes d’ouvrir le feu sur tout soldat russe entrant sur le territoire Tchétchène sans autorisation. Le dirigeant tchéchène a alors du reconnaître publiquement la suprématie de la loi fédérale.

 

Tour ceci expliquerait donc pourquoi, au moment de sa reconduction la semaine dernière, Poutine ait évoqué « le respect des lois russes dans tous les domaines ».

Un équilibre en train de se renverser ?

On peut alors se pourquoi le Président de la fédération de Russie ne finit pas par congédier définitivement Ramzan Kadyrov, si il estime qu’il va trop loin. En réalité, cette option semble désormais très dure à envisager.

 

La Tchétchénie, en tant que République de la fédération de Russie, perçoit des dotations budgétaires de la part de Moscou. Si on s’en tient aux chiffres officiels, ce sont 500 milliards de roubles, soit 10 milliards d’euros qui sont versés chaque année depuis 15 ans. Ceci se relève alors être un levier pour le pouvoir fédéral : la Tchétchénie est obligée de se soumettre aux injonctions sécuritaire de Poutine si elle veut continuer à toucher cet argent. Néanmoins, il faut savoir que Ramzan Kadyrov a développé un réseau financier complexe qui lui permet de se servir directement dans les revenus de la population. En effet, il a créé à la mort de son père la « Fondation Akhmad Kadyrov », un organisme officiellement géré par sa mère et censé financer des projets sociaux. En réalité, la fondation n’est ni plus ni mois que le le compte personnel de Ramzan Kadyrov.

Par conséquent, la Tchétchénie est de moins en moins dépendants des aides financières versées par l’Etat.

 

Kadyrov représente cependant pour Poutine un gage de stabilité politique. C’est en effet grâce à lui que le Président russe a pu, au moins de façon superficielle, pacifier la région du Caucase-nord et ramener un certain équilibre politique et économique sur le territoire. Il ferrait alors tout pour éviter de déclencher une troisième guerre d’indépendance, car il sait que Kadyrov dispose des moyens militaires nécessaire à son lancement. Par conséquent, Poutine continue de lui « accorder sa confiance », malgré les critiques.

 

Finalement, l’élève aurait-il finit par dépasser le maître ?

 

1090 Mots

 

Ensemble des sources utilisées

 

http://www.courrierinternational.com/article/russie-le-president-tchetchene-en-guerre-contre-lopposition-russe

http://www.liberation.fr/planete/2016/01/20/ramzan-kadyrov-homme-lige-de-poutine-ou-franc-tireur-incontrole_1427700

http://www.lapresse.ca/international/europe/201507/09/01-4884193-quand-le-tchetchene-kadyrov-defie-poutine.php

http://www.itele.fr/monde/video/malgre-les-critiques-poutine-reconduit-kadyrov-a-la-tete-de-la-tchetchenie-158884

https://blogs.mediapart.fr/boris-lutte/blog/030715/ramzan-kadirov-fils-adoptif-de-poutine

http://www.canalplus.fr/c-emissions/c-le-supplement/pid6586-l-emission.html?vid=1364771

http://www.interpretermag.com/kadyrovtsy-vladimir-putins-combat-infantry-and-ramzan-kadyrovs-henchmen/

https://fr.sputniknews.com/russie/20080416105175958/

http://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/russie-du-rififi-entre-poutine-et-kadyrov_1674353.html

http://www.altermondes.org/en-tchetchenie-on-torture-pour-garder-les-subventions-de-la-russie/

http://www.rferl.org/content/caucasus-report-chechnya-akhmad-kadyrov-fund/27057288.html

http://www.lexpress.fr/actualites/1/monde/russie-tchetchenie-poutine-reconduit-kadyrov-au-nom-de-la-securite_1777292.html

http://www.lefigaro.fr/international/2009/04/16/01003-20090416ARTFIG00473-la-russie-proclame-la-fin-de-la-guerre-en-tchetchenie-.php

http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2015/05/26/ramzan-kadyrov-dictateur-homme-connecte-et-acteur-parfois-malgre-lui/

http://www.lemonde.fr/europe/article/2007/03/02/ramzan-kadyrov-officiellement-designe-president-de-la-republique-de-tchetchenie_878174_3214.html?xtmc=tchetchenie&xtcr=853

 

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