Ecosse : Le SNP, un parti indépendantiste à la tête d’une Ecosse toujours dépendante ?

Par Heloïse Hubert

Le 23 mars 2016 résonne comme une date particulière en Ecosse. En effet si l’indépendance avait été approuvée lors du référendum en Septembre 2014, cette date aurait marquée sa partition officielle du Royaume-Uni. Cependant, toujours liée au Royaume-Uni, l’Ecosse est dirigée, depuis maintenant une décennie, par le parti nationaliste et indépendantiste SNP. Comment ce parti gère t-il cette contradiction après le Non au référendum ?

C’est une destinée différente qu’ont choisi les Ecossais : il n’y aura pas de nouveau siège aux Nations Unis pour cette nouvelle nation. Ils ont pris le parti de rester et conformément aux promesses de David Cameron, de nouveaux pouvoirs ont été attribué au parlement écossais, deux ans plus tard, en cette date symbolique du 23 mars. Ces nouveaux pouvoirs, négociés à Westminster sous le nom du Scotland Act attribuent à Holyrood (le parlement écossais) un contrôle renforcé sur l’imposition et les dépenses publiques, et la possibilité de réguler ses élections.

Les nouveaux membres du parlement, qui seront élus aux élections législatives du 5 mai prochain, auront entre leurs mains un parlement plus puissant que jamais dans l’histoire de l’Ecosse.

Ainsi s’écrit l’histoire de la ‘nouvelle Ecosse dans une nouvelle Grande-Bretagne’ comme il avait été promis aux électeurs. Or, ce n’est pas sans compter la large domination du Scottish National Party sur la scène politique écossaise. Ce parti, autrefois minoritaire, a remporté la quasi totalité des sièges à Westminster lors des dernières élections générales britanniques. Il est en passe de s’imposer, sans surprise, pour la troisième fois consécutive à Holyrood. Alors que les sondages montrent que les Ecossais plébiscitent encore très fortement l’indépendance, le SNP doit composer avec la dépendance toujours réelle à Westminster. Cela n’est-il pas contradictoire pour un parti indépendantiste ?

The party to end all parties

Le SNP a réussi à largement s’imposer dans le paysage politique écossais, et ce, en commençant dans les années 1970, par une campagne virulente, ‘It’s Scotland’s Oil’, après la découverte de réserves de pétrole dans la Mer du Nord. Ainsi, ils militaient pour que le revenu de l’or noir revienne là où il était extrait et profite aux Ecossais. En 2011, le parti réussi à s’imposer aux élections et forme son premier gouvernement.

Les forces politiques traditionnelles britanniques (le Labour en particulier mais également les Conservateurs) n’arrivent plus à mobiliser l’électorat, après la campagne du référendum où ils ont été perçu comme trop rattachés à Westminster et jouant sur les peurs des électeurs : le ‘Project Fear’.

Face à la rhétorique imparable du nationalisme, les autres partis politiques peinent à s’imposer.

L’or noir n’est plus : la question économique

La question du pétrole joue un rôle central dans la politique écossaise. En 2014, il avait été estimé que les revenus pétroliers rapporteraient 8 milliards de livres dans la balance du budget. Avec l’effondrement du prix du pétrole, les revenus ne seraient plus que de 100 millions de livres. Le modèle économique proposé par le SNP souffre d’une grande perte de crédibilité.

Nicola Sturgeon, actuelle premier ministre convoquera, à cet effet, cet été un groupe de travail pour revoir ses propositions économiques. Celles-ci avaient d’ailleurs, en partie, pousser de nombreux électeurs à choisir le camp du Non lors du référendum.

C’est dans cet configuration que UKIP, militant lui pour la sortie de l’Union Européenne, entend percer à Holyrood. Son leader, Nigel Farage, compte ‘casser le consensus politique à Holyrood’.

Bien que l’on puisse difficilement concevoir un vote massif pour UKIP lors des prochaines élections, cette entrée d’un nouveau parti anti système renseigne sur l’existence d’un terreau possible pour celui-ci.

Rhétorique forte, politique modérée

En effet, le SNP à l’ouvrage au parlement s’est montré beaucoup moins virulent que ce qui était initialement annoncé dans les discours. Il avait notamment promis, à travers Nicola Sturgeon, des prises de positions sur le désarmement nucléaire et plaçait la redistribution économique au cœur de sa politique. Or, en vérité, à l’action, les mesures prises par le SNP se situent plus au centre de l’échiquier politique. De plus, aucun signe ne montre que cette politique est en passe de changer. En effet, la campagne pour les législatives voit les différents camps s’affronter sur le sujet de l’augmentation des taxes. A cet effet, le Labour écossais accuse le SNP de suivre l’austérité de Westminster en refusant d’augmenter celles-ci (alors que l’on vient de leur en accorder la possibilité) et en réduisant les budgets des services publics.

La crédibilité du SNP s’effrite également, malgré lui, sur l’éminent Brexit. En effet, le parti europhile se voit dans l’obligation de militer pour la poursuite de l’adhésion à l’UE, suivant ainsi la ligne de son rival à Westminster…David Cameron, et d’une partie du parti Conservateur. Un comble pour un parti indépendantiste aux lignes traditionnellement à gauche !

En toile de fond : l’indépendance

Malgré ces contradictions, le soutien pour le SNP reste très fort parmi l’électorat. 85 000 personnes ont rejoint le parti après la défaite du référendum. En effet, l’indépendance mobilise toujours et dépasse les éventuelles contradictions du parcours du SNP. Le sujet n’est d’ailleurs pas enterré au SNP et fait l’objet de travaux, comme par exemple la commission de travail qui planchera cet été sur le modèle économique.

Cependant, le parti sait que, pragmatiquement, il ne peut se risquer à un nouveau référendum trop tôt (sauf Brexit ou changement drastique dans l’opinion publique) : celui-ci, en cas de nouvel échec pourrait signer la fin définitive des débats. Alex Salmond, ancien premier ministre, avait d’ailleurs déclarer à cet effet qu’on ne pouvait en tenir ‘qu’un par génération.’ Il s’agit alors pour eux d’entretenir le débat sans enclencher de nouvelle procédure formelle.

 

Le SNP apparaît alors comme le reflet d’une population dont les demandes restent fortement en faveur de l’indépendance mais qui dans l‘application se montre moins radical : à l’image du non au référendum. On peut alors supposer, comme le formulait l’historien Tom Devine, que les Ecossais, plus que l’indépendance, souhaitent un gouvernement qui leur ressemble.

 

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